La scène se passe vendredi 29 novembre à l'Assemblée lors de l'examen de la loi prostitution. Dans son discours introductif, Najat Vallaud-Belkacem constate le peu de députés présents (une quinzaine de la majorité, quatre écolos et cinq UMP et UDI) et met en garde les absents :
Je le dis clairement à tous ceux qui seraient tentés de ne pas voter ce texte alors qu’ils n’ont pas participé au débat d’aujourd’hui : l’indifférence, quand elle conduit à un refus, porte un nom, ça s’appelle le mépris. Et je ne l’imagine pas dans votre assemblée.
Comme le Lab l'a raconté ici, la réaction du coprésident du groupe écolo François de Rugy, opposé au texte mais présent durant une partie de la séance, ne se fait pas attendre. Il dit déplorer que l'examen du texte se fasse un vendredi après-midi et estime que la ministre a "pointé du doigt les absents" dans des propos "pas corrects".
Sa désapprobation ne s'arrête pas là. Ce 3 décembre, elle devient même un argument pour les opposants au texte, qui font remonter ce qu'ils considèrent comme un incident lors de la conférence des présidents.
En conférence de presse, François de Rugy dénonce de nouveau l'attitude de la ministre :
En conférence des présidents, on a dénoncé l'agenda de ce texte et les propos de Najat Vallaud-Belkacem, d'autant plus qu'elle est porte-parole du gouvernement. Elle a mis en cause les députés qui étaient contre et les députés en général.
Ces propos ont été regrettés par nombre de présidents de groupeet par la présidente socialiste de la commission des affaires sociales.
Elle a osé considérer que les députés absents ou qui voteraient contre ce texte avaient fait preuve de mépris.
François de Rugy assure par ailleurs que même Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement, "a pris ses distances avec ces propos".
Sa coprésidente, Barbara Pompili, enchaine :
Najat Vallaud-Belkacem est allée trop loin. Il est légitime qu'elle défende ses positions mais elle doit respecter les autres. Comme moi, on peut être femme et féministe, et être contre cette loi.
Mais les écolos ne sont pas les seuls à se plaindre des mots de la ministre. Christian Jacob, président du groupe UMP dont une poignée de députés étaient présents le vendredi en question, va dans le même sens :
L'attitude de Madame Najat Vallaud-Belkacem était déplacée.
[Edit 4 décembre] Interrogée à ce sujet lors du compte-rendu du conseil des ministres, Najat Vallaud-Belkacem a dit ne pas vouloir "en rajouter" et a lancé :
J'assume pleinement mes propos et j'invite chacun à assumer clairement ses positions.
Le 29 novembre, Najat Vallaud-Belkacem n'avait pas accepté les protestations de François de Rugy et lui avait répondu :
C’est ici, dans cet hémicycle, que le débat se fait. Pas dans la presse. Vous êtes un parlementaire, c’est l’occasion ou jamais de contribuer au travail.
Plutôt que des tribunes et des anathèmes dans les médias, préférez présenter des amendements, je vous assure qu’ils seront pris en considération.
Le vote solennel sur la proposition de loi prostitution a lieu mercredi 4 décembre sur un texte sensiblement modifié.
Sebastien Tronche et Delphine Legouté