Emmanuel Macron estime que François Fillon "a perdu tous repères éthiques, moraux"

Publié à 12h47, le 11 avril 2017 , Modifié à 12h54, le 11 avril 2017

Emmanuel Macron estime que François Fillon "a perdu tous repères éthiques, moraux"
Emmanuel Macron et François Fillon © Montage Le Lab via AFP

LES BORNES DES LIMITES - François Fillon sort les dossiers. Tout à l'intensification de son offensive anti-Macron dont il espère qu'elle lui permettra de se hisser au second tour de l'élection présidentielle, le candidat de la droite se met à divulguer par voie de presse un échange privé avec le leader d'En Marche !, censé démontrer l'inconstance idéologique et politique de ce dernier. Et s'il répond sur le fond, l'ex-ministre de l'Économie met surtout l'accent sur la forme.

Sur Public Sénat et Radio Classique mardi 11 avril, Emmanuel Macron réagit donc violemment à la révélation par Le Figaro la veille d'une discussion écrite entre les deux hommes datant du débat sur la déchéance de nationalité. Le quotidien a publié une note de la main du candidat-marcheur à destination de l'ancien Premier ministre. "Une nouvelle fois, vous venez sur mes positions. Jusqu'où irez-vous ?", avait demandé Fillon. Réponse de Macron : "En fait j'y suis déjà sans doute. Je poursuivrai sur ce chemin car c'est le seul que je connais. Voyons-nous."

François Fillon montre ainsi, en révélant cet échange privé, son peu de "valeur morale" et "éthique", contre-attaque le favori des sondages :

"

Il dit qui il est, si besoin en était, c'est-à-dire quelqu'un qui n'a pas grande valeur morale et pas grande éthique. Entre responsables politiques, si on se met à donner à la presse les mots qu'on échange, je vous laisse apprécier ce qu'il en est.

"

Se faisant également trollesque, il estime que François Fillon s'est montré "bien pire" que François Hollande, que le vainqueur de la primaire de la droite descend en flammes pour avoir révélé des informations sensibles à des journalistes du Monde. Emmanuel Macron flingue :

"

Mais ça ne sert à rien que François Fillon ait été donner des leçons à François Hollande parce qu'il allait donner des mots à des journalistes. Voyez, il est bien pire que cela. Il a perdu tous repères : éthiques, moraux, de comportement. Tous repères.



Et donc François Fillon est un homme de peu de valeur, c'est la conclusion que j'en tire.

"

Voilà pour la forme et pour les valeurs.

Vient ensuite le fond. Le patron d'En Marche développe :

"

Sur le fond, il me dit 'vous venez sur mes positions sur la déchéance de nationalité', c'est-à-dire qu'il était contre et j'avais, rappelez-vous, annoncé que j'étais contre. Je lui confirme et je lui dis 'oui j'y suis déjà'. Je ne le rejoins pas, j'y suis déjà. J'étais contre la déchéance, je lui propose qu'on se voit, et d'ailleurs nous en avons discuté, comme j'ai toujours discuté avec des responsables de gauche, de droite, de ces positions.



Qui prouve son incohérence dans cette affaire ? François Fillon qui aujourd'hui, défend la déchéance de nationalité dans son propre projet. [...] Il a dit que je n'étais pas constant. Mais la belle affaire ! Qui n'est pas constant ? Le François Fillon qui en février 2016 était contre la déchéance de nationalité, et qui aujourd'hui propose de l'appliquer dans son programme parce qu'il a rejoint la pire des droites. Moi je suis constant, je suis contre, je pense que ça ne sert à rien.

"

Et si François Fillon a en revanche démenti que les deux hommes se soient alors rencontrés, Emmanuel Macron insiste : "Je l'ai rencontré plusieurs fois. Quand j'étais ministre, il était parlementaire, [...] et nous avons à plusieurs reprises échangé sur des dossiers industriels et politiques."

Plus tôt dans la matinée sur France 2, l'ex-chef de gouvernement de Nicolas Sarkozy avait justifié sa démarche :

"

J'ai juste dit à des journalistes qu'Emmanuel Macron, pendant des mois et des mois, disait exactement la même chose que moi, sur les 35 heures, sur l'ISF, sur la manière de redresser l'économie française, jusqu'à s'opposer comme moi à la révision constitutionnelle sur la déchéance de nationalité. Ça démontre qu'il change d'avis sans arrêt.

"

Il considère donc qu'il n'a rien fait d'anormal en donnant au Figaro ce bout de papier manuscrit. 

Restent donc leurs positions respectives sur la déchéance de nationalité. Et en l'occurrence, les deux hommes ont pas mal varié sur ce sujet.

# Le plus inconstant des deux ?

Le 21 novembre 2015, Emmanuel Macron avait été l'un des premiers à évoquer la "part de responsabilité" de la société française dans le "terreau" sur lequel le djihadisme avait pu prospérer. Une déclaration qui avait quelque peu énervé Manuel Valls... 

Début janvier, le chef de Bercy avait tempéré auprès du Monde, expliquant que selon lui, la déchéance de nationalité était "une mesure symboliquement importante : elle donne un sens à ce que c'est que d'appartenir à la communauté nationale". Puis, fin janvier 2016, on l'entendait à nouveau émettre des doutes. "Faites attention au sentiment que cela peut créer chez les binationaux", lançait-il sur BFMTV. Avant cette sortie du 10 février, alors que la déchéance était discutée à l'Assemblée nationale : "J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place qu'a pris ce débat parce que je pense qu'on ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale", avait-il lancé, comme l'avait rapporté à l'époque Le Figaro. Quelques mois plus tard, Emmanuel Macron avait même fait de cette question l'une des raisons expliquant son départ du gouvernement...

François Fillon, de son côté, avait mené la fronde contre la déchéance de nationalité, non pas pour son principe mais pour la volonté du gouvernement de modifier la Constitution. Après être resté relativement discret sur le sujet, l'ancien Premier ministre était sorti de bois début 2016. Dans une tribune publiée en février 2016 dans Le JDD, François Fillon annonçait sa volonté de voter contre cette réforme, dénonçant un "rafistolage constitutionnel". "Nos adversaires sont en train d'atteindre l'un de leurs objectifs, celui de discréditer nos institutions", estimait-il.

Cette position était aussi une manière habile pour François Fillon de déstabiliser Nicolas Sarkozy, ainsi que l'avait noté Marianne. Le président de LR d'alors soutenait l'exécutif sur ce dossier. S'opposer au projet de loi, c'était donc aussi combattre indirectement Nicolas Sarkozy, futur adversaire de François Fillon à la primaire de la droite... Mais aujourd'hui, le François Fillon candidat à la présidentielle est favorable à la déchéance de nationalité...

Du rab sur le Lab

PlusPlus