ANNE LA MENACE - La déchéance de nationalité a peut-être irrémédiablement fracturé le Parti socialiste. Quand un François Hollande en quête d'unité nationale a proposé d'inclure cette mesure - venue de la droite et de l'extrême droite - dans sa réforme constitutionnelle post-13 novembre, une partie de sa famille politique y a vu un point de non-retour. Certains, comme Christiane Taubira, en ont même quitté le gouvernement. Plusieurs semaines après sa démission, Emmanuel Macron affirme également que cela a pesé dans sa démarche. Anne Hidalgo, elle, ne pouvait pas le faire puisqu'elle n'est pas ministre. Logique. Mais elle a tout de même prévenu le chef de l'État que si le PS soutenait la déchéance, alors elle rendrait sa carte.
La maire de Paris le révèle dans un article de Society, vendredi 30 septembre. Au cours de l'interview, elle "se saisit de son téléphone" et raconte cette scène datant de début décembre 2015 :
"Je lui ai envoyé un petit mot. Je lui ai dit : 'Sur la déchéance de nationalité, si mon parti soutient cette mesure-là, je quitterai ce parti.'
"
C'est finalement l'impossibilité totale de réunir une majorité des 3/5e du Parlement, nécessaire à toute révision de la Constitution, qui forcera le Président à laisser tomber au mois de mars 2016. Et ce malgré le soutien de la frange légitimiste du PS et des ténors pro-Hollande.
Jean-Christophe Cambadélis n'était pas franchement le plus grand fan de la déchéance, notamment parce qu'elle ciblait explicitement les binationaux. Mais sans donner un blanc-seing au gouvernement, le Premier secrétaire du parti a lui aussi tenté de faire aboutir cette réforme, même si on sentait une *petite* gêne chez lui : il reconnaissait certes que l'extension de la déchéance était "discutable" (car "ce n'est pas une valeur, un principe, ou une proposition qui vient de la gauche"), mais il estimait aussi que ce débat n'était "pas indigne". Il avait même présenté ses "excuses" aux Français après l'échec de cette réforme constitutionnelle et l'abandon de la constitutionnalisation de l'état d'urgence à laquelle il était favorable.
On peut donc qualifier cela de "soutien" du parti à cette mesure. Et pourtant, Anne Hidalgo est toujours là. Toujours socialiste certes, mais fort critique. L'élue socialiste se prive rarement de flinguer le gouvernement et son bilan, de détourner avec force ironie le slogan "le changement, c'est maintenant" ou de moquer un Manuel Valls obligé d'en passer par le 49.3 pour faire adopter les lois les plus décriées du quinquennat.
Outre la déchéance de nationalité, Anne Hidalgo voit d'ailleurs dans la loi Travail et la gestion de l'enjeu migratoire deux de ces instants durant lesquels François Hollande et le PS se sont écartés des "valeurs progressistes" qui l'avaient poussée à adhérer en 1995.