NOT IN MY CONSTITUTION - Nouveau psychodrame dans la classe politique - et pas seulement à gauche - autour de l'utilisation du 49.3 par le gouvernement de Manuel Valls sur la loi Travail. Ce "passage en force" est tout autant dénoncé par la droite, qui a aussitôt déposé une motion de censure, que par certains frondeurs et la gauche de la gauche, qui souhaitent aussi destituer le gouvernement. Surtout, de nombreux responsables politiques fustigent une nouvelle fois le caractère "antidémocratique" de cet article tant décrié de la Constitution.
Au lendemain de la décision du conseil des ministres d'autoriser le recours à cette arme "nucléaire" du débat parlementaire, un député socialiste réclame même "la suppression dans la Constitution" de l'article en question. Alexis Bachelay, élu des Hauts-de-Seine, lance ainsi sur Twitter mercredi 11 mai :
"Le 49-3 est antidémocratique par nature. Je regrette son usage et je milite pour sa suppression dans la Constitution.
"
Le 49-3 est antidémocratique par nature. Je regrette son usage et je milite par sa suppression dans la constitution. https://t.co/LzAvlUhwOD
— Alexis Bachelay (@ABachelay) 11 mai 2016
Ne faisant pas partie des frondeurs "historiques", Alexis Bachelay était opposé à la première version de la loi Travail. "Après les évolutions, je m'abstenais sur la version actuelle. Et en fonction du débat et des amendements, je laissais la porte ouverte", explique-t-il au Lab. Pas une opposition frontale au coeur du texte, mais bien au procédé choisi pour le faire adopter.
Déplorant "un déni démocratique inimaginable il y a encore quelques mois" ce mercredi sur France 2, Benoît Hamon, l'un des meneurs de l'opposition de gauche à la loi Travail, n'a pour sa part pas clairement demandé la suppression du 49.3 mais répété son appel pour une VIe République : "Aujourd'hui la Ve République n'est plus le modèle institutionnel avec lequel on peut faire fonctionner la démocratie correctement. Elle est en train de tuer et asphyxier la démocratie."
Cette proposition de suppression du 49.3 n'est en tout cas pas sans en rappeler d'autres. Parmi les socialistes qui, par le passé, avaient réclamé la même chose, on trouve ainsi... François Hollande lui-même (mais aussi, dans une moindre mesure, Manuel Valls, qui voulait une limitation de l'usage du 49.3).
En 2006, l'actuel chef de l'État qualifiait cet article de la Constitution de "déni de démocratie", de "brutalité" et de "violation des droits du parlement". Quelques mois plus tard, dans une interview à L'hebdo des socialistes, il militait carrément pour sa disparition, affirmant :
"Tout ce qui concourra à l’affermissement des pouvoirs du Parlement aura notre agrément. Suppression de l’article 49-3, du vote bloqué, de la procédure d’urgence, possibilité pour les assemblées de fixer pour partie leur ordre du jour, mandat unique...
"
Quant à Manuel Valls, c'est en 2008 qu'il formulait une proposition de limitation de l'usage du 49.3. Avec le groupe socialiste de l'époque (où siégeaient notamment Bruno Le Roux, Arnaud Montebourg, l'actuel ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas ou encore le vallsiste Christophe Caresche), il avait déposé un amendement au projet de réforme constitutionnelle de "modernisation des institutions de la Ve république". Ils écrivaient alors :
"Seuls des textes très particuliers tels le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la Sécurité sociale doivent pouvoir être adoptés par la voie de l'article 49, alinéa 3. Il est indispensable que tous les autres fassent l'objet d'un vote.
"
Or, ni la loi Macron ni la loi Travail, qui ont ou feront donc l'objet d'une adoption par le biais du 49.3 sous le quinquennat de François Hollande, n'entrent dans ces catégories...
Alexis Bachelay précise au Lab qu'il "va reprendre la proposition Urvoas de 2008" et qu'il est plus généralement "favorable à une VIème République et à une modification en profondeur de la Constitution."
Et la droite de pointer les contradictions de l'exécutif socialiste qui utilise aujourd'hui cet outil parlementaire qu'ils blâmaient hier, à l'instar du sénateur LR Roger Karoutchi :
Encore du 49-3 par ceux qui exigeaient la suppression de cet article"scélérat"!Encore 11 mois à subir les errements d'une gauche sans cap..
— Roger KAROUTCHI (@RKaroutchi) 10 mai 2016