Une proposition de loi. Un recours contre la circulaire du ministre de l'Intérieur. Et une question prioritaire de constitutionnalité. Le Lab a assisté ce mardi 2 juillet à la réunion des élus opposés au mariage gay, toujours très actifs au sein du collectif des Maires pour l'enfance (MPE), qui veulent faire reconnaître dans la loi le principe de la "liberté de conscience".
#LAPROPOSITIONDELOI
Il sait que sa loi n'a aucune chance d'aboutir. Mais il emploie "tous les moyens légaux". Le député UMP Philippe Gosselin va déposer, avant le 14 juillet, une proposition de loi afin "d'organiser la liberté de conscience" des maires qui refuseraient de marier un couple homosexuel.
L'élu de la Manche explique au Lab sa mentalité et les modalités de son texte, qui veut créer un "délégué spécial" aux mariages homosexuels :
Nous ne contestons pas la loi, elle est promulguée, mais nous revendiquons l'objection de conscience.
Si le maire ou les adjoints refusent, ils devraient en informer le procureur et le préfet qui désigneraient un délégué spécial. C'est-à-dire un fonctionnaire d’Etat ou un magistrat qui se rendrait dans les communes concernées.
Philippe Gosselin précise au Lab qu'il n'a "pas encore eu l'occasion" de parler de cette initiative au président de l'UMP, Jean-François Copé et qu'il est "parfaitement conscient" que ce projet n'a "absolument aucune chance d'aboutir". Il cherche des co-signataires et en espère, au final, "une vingtaine".
#LERECOURS
Parallèlement, ce mardi, le collectif des Maires pour l'enfance (MPE) - dont fait partie Philippe Gosselin - a déposé en début d'après-midi un recours devant le Conseil d'Etat afin de dénoncer "l'excès de pouvoir" de la circulaire Valls.
Un texte, signé du ministre de l'Intérieur Manuel Valls, le 13 juin dernier, qui détaille les sanctions encourues par les élus qui refusent de célébrer un mariage homosexuel. Ils s'exposent à une peine de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende ainsi qu'une suspension d'un mois.
#LAQPC
Ce recours est doublé d'une question prioritaire de constitutionnalité. Les élus demandent aux sages de se prononcer sur la liberté de conscience.
Philippe Gosselin argumente auprès du Lab :
L'article 10 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen reconnaît la liberté de conscience.
J'aimerais savoir ce qu'en pense le Conseil Constitutionnel.
Une liberté d’abord promise par François Hollande, au cours d’un discours devant l’Association des maires de France le 20 novembre 2012, "dans un souci d’apaisement". Mais le Président a fait marche arrière le lendemain, après avoir reçu deux représentants de l’Inter-LGBT scandalisés.
"En tant qu'agent de l'État, nous avons le droit à la protection de celui-ci", argue Franck Meyer, porte-parole du MPE. "Au lieu de cela, nous sommes pointés du doigt, soupçonnés d'être irrévérencieux à l'égard du pouvoir que nous représentons, de faire de l'opposition bête et méchante", ajoute-t-il, réclamant "toujours" des Etats généraux sur le mariage, la famille et la filiation.
[BONUS TRACK] Le débrief d'Arcangues
Le maire d'Arcangues était présent aussi. Jean-Michel Colo, qui a tenté d'empêcher le mariage d'un couple homosexuel au pays basque, assure avoir subi des pressions de tous bords : de la part des médias - "l’impression parfois de se trouver devant un tribunal médiatique " mais aussi des pouvoirs publics:
Je recevais jusqu'à quatre appels chaque jour du préfet et du sous-préfet des Pyrénées-Atlantiques.
De même, la procureure m’a contacté trois fois pour me rappeler la loi, à moi et mes adjoints.
Et d’ajouter : "C’est la pression judiciaire qui a signé la fin de la partie. Nous avons reçu un référé assorti d’une astreinte de 1 000 euros par jour et par personne (soit 7.000 euros par jour)", explique-t-il.
Maire depuis trente ans, l'élu promet de donner tous les détails sur cette "expérience inouïe" dans ses mémoires, qu’il compte rédiger à partir de mars prochain, une fois qu’il aura pris sa retraite.
Jean-Michel Colo se félicite d’avoir "occupé le terrain pendant un mois" mais confie aux opposants du mariage homo qu'il s'est senti bien seul :
Je regrette qu’on n’ait pas été vingt maires à avoir le même problème, la même détermination. Je suis sûr qu’on aurait fait reculer [les pouvoirs publics].
"Le chemin jusqu’au congrès des maires de France, en novembre prochain, risque d’être actif", lance avec le sourire Franck Meyer.
par Jérémy Gabert et Paul Larrouturou
[Edit] Il s'agit bien d'une proposition de loi, et non pas d'un projet de loi, contrairement à ce que nous avons écrit initialement.