L'élection du président de l'UMP a lieu dans 18 jours. A l'heure où s'élance le sprint final, les premiers doutes traversent l'équipe de François Fillon : et si les sondages se trompaient ? Premiers doutes et premières tensions : les langues se délient dans l'entourage de l'ex-Premier ministre.
Certains membres de son staff se sont confiés à Neila Latrous, qui suit les débats internes de l'UMP en chantier pour Le Lab. Elle est journaliste et coauteur de UMP, un univers impitoyable aux éditions Flammarion.
"Il n'y a pas de stratégie de campagne"
C'est un grand classique en campagne électorale. Plus le jour du vote approche, plus les tensions se font jour et plus les équipes doutent de leur stratégie de campagne. L'élection du président de l'UMP le 18 novembre prochain n'échappe pas à la règle.
Autour de François Fillon, ils sont plusieurs à ce jour à confier en off leurs craintes. "Et si nous étions trop confiants ?" s'interrogent-ils en choeur. Et de passer en revue les raisons pour lesquelles leur candidat pourrait perdre. L'un d'eux pointe du doigt le manque de réseau "hyper local" de François Fillon. Il explique :
Les parlementaires, ça fait de belles photos, de supers papiers dans la presse régionale. Mais ce ne sont pas eux qui font l’élection. Pas eux qui mobilisent les militants. Ce sont les secrétaires départementaux, les délégués de circos, les RDJ [ndlr : responsable départemental jeune] . Ceux qui jouent leur tête.
Le même s'inquiète de voir Jean-François Copé "traiter" personnellement les cadres de l'UMP quand François Fillon délègue les coups de fil à Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez et Eric Ciotti :
C'est barbant d'appeler les RDJ. Sauf que le petit mec de vingt ans, c’est lui qui fait le tour du canton ou de la circonscription pour récupérer les procurations. Ce maillage hyper local nous manque et c'est le réseau dont dispose Copé.
Une élue proche de François Fillon prévient qu'une défaite éventuelle aurait des conséquences graves :
Perdre en ayant les parlementaires et les sondages, ça nous poserait un problème politique. Ca voudrait dire que le parti n’est pas en face avec les aspirations des sympathisants.
Elle souligne que les sondages positifs peuvent à terme être démobilisateurs. Voilà pour le premier volet de critiques. L'équipe de François Fillon s'alarme aussi de ne pas réussir à imposer les idées du candidat :
On est en permanence en train de se positionner face aux propositions de Copé. C’est lui qui mène la danse.
Et de citer les dernières polémiques sur les pains au chocolat, le racisme anti-blanc et plus récemment, les manifestations de droite. Là, c'est directement la personnalité de François Fillon qui est mise en cause :
Il a voulu élever le débat et c’est tout à son honneur. Mais ce n’est pas ce qui intéresse le militant. Lui il veut savoir comment seront faites les listes aux municipales. L'attitude à adopter face au FN et à l'UDI. Fillon ne veut pas s’abaisser à parler de cette tambouille interne.
Un autre, refusant de s'en prendre à François Fillon, accuse son entourage immédiat de méconnaître le fonctionnement de l'UMP et de naviguer à vue :
Il n’y a pas de stratégie. Il n’y a pas de séquences autres que celles imposées par Copé ou par le parti, comme les parrainages par exemple.
Le même estime que l'envie de gagner est plus forte chez le député-maire de Meaux que chez les proches de François Fillon :
Franck Robine, qui a la main sur tout, n’est pas un politique. C’est un haut fonctionnaire. S’il perd cette élection, il aura quand même un travail. Comme les trois autres qui entourent le candidat. En face, chez Copé, ils jouent leur vie. Ils ont les crocs. Ils perdent l’UMP, ils perdent leur job.
Ces fillonistes inquiets espèrent désormais un électrochoc et une remise en question pour sauver la fin de campagne. Il reste 18 jours.
Neila Latrous. (@Neila)