Mélenchon assure avoir réécrit intégralement son interview dans Libération, les journalistes lui répondent

Publié à 20h11, le 01 octobre 2013 , Modifié à 20h46, le 01 octobre 2013

Mélenchon assure avoir réécrit intégralement son interview dans Libération, les journalistes lui répondent
Capture d'écran de la couverture et d'un extrait de l'interview de Jean-Luc Mélenchon à Charles.

DROIT DE RÉPONSE - Jean-Luc Mélenchon a une nouvelle cible médiatique. Après la "petite cervelle" et ses critiques acerbes du Monde, l'eurodéputé du Front de gauche s'en prend violemment à Libération dans un entretien à la revue trimestrielle Charles à paraître ce mercredi 2 octobre.

 

Un long entretien de vingt pages dans lequel l'eurodéputé rappelle qu'il a été le premier patron d'Arthur à Radio Nord Essonne et développe sa "stratégie de la conflictualité" avec, notamment, les journalistes, pour faire passer ses idées.

Puis Jean-Luc Mélenchon s'en prend donc particulièrement à Libération qu'il qualifie de "carpette boboïde", de "journal qu'il ne sert à rien de lire" et à qui il reproche la publication d'un entretien, "un sommet dans l'escroquerie".

Retour sur les coulisses d'un entretien vieux de neuf mois remis sous le feu des projecteurs avec cette violente charge.

Avant :

Jean-Luc Mélenchon et Libération conviennent fin novembre 2012 d'une interview pour parler des assises de l'écosocialisme du Parti de gauche, qui aura lieu le week-end du 1er et 2 décembre.

Libération, qui assure que c'est l'attachée de presse de Jean-Luc Mélenchon qui leur a proposé l'entretien, accepte mais demande en contrepartie l'exclusivité.

Jean-Luc Mélenchon, comme à chaque fois, fait savoir qu'il veut relire l'interview avant publication. "C'est l'un des politiques qui retouche habituellement le moins ses interviews", assure Lilian Alemagna, qui le suit pour le quotidien depuis 2009.

Pendant :

Les deux journalistes de Libération, Lilian Alemagna et Jonathan Bouchet-Petersen rencontrent le tribun mercredi 28 novembre au matin, dans l'arrière salle d'un café parisien près de la gare de l'Est. Même sur le temps passé, les versions divergent. "Une heure et demi" pour Mélenchon dans Charles, deux heures et dix minutes selon le chronomètre de Libération. "Tout se passe bien" selon Lilian Alemagna.

Après :

- La surprise Rue 89

Mercredi 28 novembre au soir, alors qu'ils travaillent à la retranscription de l'entretien, les deux journalistes de Libération ont la mauvaise surprise de découvrir une autre interview de Jean-Luc Mélenchon évoquant l'écosocialisme. Un long entretien accordé à Rue 89. Leur exclusivité est morte. Libération décide d'avancer la publication de l'entretien du samedi au vendredi.

- Les SMS de Jean-Luc

Lilian Alemagna assure avoir reçu jeudi matin un SMS de Jean-Luc Mélenchon : "Je ne vous en voudrais pas si vous jettez toute l’interview". Puis un autre, à 18h25, avec un changement de ton notable suite à la relecture de l'entretien. Le tribun se dit "écœuré" et "n'autorise pas la publication de ce montage". Les deux journalistes informent son attachée de presse que l'entretien paraîtra quoi qu'il arrive et qu'il lui reste une heure pour envoyer ses modifications, s'il en a à formuler.

- Un texte effectivement à trou

Oui, Libération assume. L'interview à relire envoyée jeudi 29 novembre au matin comportait bien une mention "A vous de répondre en 800 signes" face à la question "Mais c'est quoi cet écosocialisme ?".

Explications de Libération

Ce matin là, Jean-Luc Mélenchon n'était pas très en forme. Il nous a fait un tunnel de 45 minutes. Un cours magistral impubliable en l'état car il n'aurait pas été compréhensible pour le lecteur.

Pour Jean-Luc Mélenchon, c'est plutôt la preuve que les journalistes "n'avaient rien décrypté de l'interview réelle" et qu'ils "ne s'étaient intéressés qu'à tout le reste".

 

-  Il a fait un Libé tout seul ?

Jean-Luc Mélenchon fanfaronne dans Charles :

Je leur dis "Voilà, on refuse l'interview" et ils finissent par dire "Vous réécrivez tout !" J'ai donc intégralement écrit deux pages de Libération, tout seul. En face de personne.

Lilian Alemagna dément catégoriquement :

C'est totalement faux. Quand il nous renvoie son interview relue, rien n'a changé à l'exception de son parallèle entre le chef de l'État et Louis XVI et une question sur les communistes. Nous acceptons d'enlever la question sur les communistes. Mais nous gardons la référence à Louis XVI. Ce n'était pas une blague lors d'un diner OFF. C'était une déclaration lors d'un entretien.

"Toute l'interview qu'ils voulaient publier, ce n'était que les blagues bien caricaturées", estime de son côté Jean-Luc Mélenchon dans Charles.

- La petite phrase reprise en boucle

Un entretien qui fera l'objet d'une dépêche dont le titre reprend justement le parallèle historique que voulait retirer Jean-Luc Mélenchon : "François Hollande est aussi aveugle que Louis XVI. Incapable de penser un autre monde". Un récurrent reproche présidentiel.

"Tout mon week-end qui était consacré à l'écosocialisme est pourri par une formule qu'ils ont inventé", accuse l'ancien ministre.

"Le problème n'est pas que nous inventons une citation, nous avons la preuve audio car tout l'entretien a été enregistré " répond Libération "mais qu'il a dit quelque chose devant deux journalistes qu'il n'assume plus".

- La (longue) liste noire de Mélenchon

En conclusion, Jean-Luc Mélenchon se fait catégorique :

Pour moi ce sont des voyous. Donc je ne les vois plus, je ne réponds plus à leurs questions, je ne leur adresse plus la parole... Je ne veux plus rien avoir à faire avec eux, jamais, d'aucune manière.

Libération confirme que le co-patron du Parti de gauche a décliné toutes les propositions d'interviews formulées par le quotidien depuis fin novembre mais qu'il a accepté de répondre à des questions d'un journaliste de Libération, lors d'un point presse, en mars.

[Bonus track] Le jour de la parution de l'article, vendredi 30 novembre 2012, Jean-Luc Mélenchon était justement l'invité de...François Hollande, à l'Elysée.

Interrogé dans la cour de l'Élysée à la sortie de son entretien avec le président, il déclare, avant de se lancer dans un plaidoyer pour l'humour en politique : 

C'est une formule, pas forcément celle que j'aurais aimé qu'on retienne, surtout avant d'aller lui rendre visite. On en a plaisanté ensemble.

Thibaut Pézerat avec Paul Larrouturou

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