Meurtre de Jo Cox : des cadres du FN accusent la classe politique de "récupération" anti-Brexit

Publié à 11h21, le 17 juin 2016 , Modifié à 13h27, le 17 juin 2016

Meurtre de Jo Cox : des cadres du FN accusent la classe politique de "récupération" anti-Brexit
Gilbert Coillard, Marion Maréchal-Le Pen et Nicolas Bay © Montage Le Lab via AFP

RÉCUP' PARTOUT - La députée britannique travailliste Jo Cox est morte, jeudi 16 juin, assassinée par balles en pleine rue dans un village de sa circonscription du nord de l'Angleterre. Le drame a provoqué un choc et une vive émotion internationale. La classe politique française, notamment, a réagi très fortement et à l'unisson (ou presque).

Très vite après le drame, le positionnement pro-européen de l'élue de 41 ans a été largement souligné aussi bien par la presse que par les politiques, à une semaine tout juste du référendum sur le Brexit organisé au Royaume-Uni. Le Front national y voit une manœuvre des opposants à la sortie de l'Union européenne. Un FN qui a pourtant lui-même un certain talent dans l'exercice de la récup' (voir par exemple ici, ici, ici ou encore ici). 

# Les motivations floues du tueur présumé

Dans un contexte déjà très tendu autour de cette possible sortie de l'Union européenne, la campagne sur ce sujet a été suspendue dans la foulée, a priori jusqu'au week-end. Peu après l'annonce de l'attaque visant Jo Cox, les médias britanniques citaient plusieurs témoins de la scène selon lequel le meurtrier aurait crié "Britain first", soit "Le Royaume-Uni d'abord", crédibilisant la thèse du geste politique anti-Brexin.

> À lire :  Le profil trouble de l'agresseur de Jo Cox

Mais le Southern Poverty Law Centre, groupe de défense des droits civiques, a affirmé ce vendredi que le tueur présumé, qui a été interpellé, était un "partisan dévoué" d'un groupe néo-nazi basé aux Etats-Unis, expliquant qu'il avait une "longue histoire avec le nationalisme blanc". Selon son frère, il a par ailleurs souffert d'une maladie mentale pour lequel il a suivi un traitement par le passé et "n'est pas du tout politisé".

Ses motivations restent donc floues.

# La réaction du FN

Les principaux cadres du FN ne se sont pas franchement précipités pour s'émouvoir de la mort de Jo Cox. Vendredi en milieu de matinée, Marine Le Pen [voir en fin d'article] et Florian Philippot ne s'étaient ainsi toujours pas exprimés, pas plus que Louis Aliot, vice-président du parti. Nicolas Bay, secrétaire général du FN, et Marion Maréchal-Le Pen, députée du Gard, l'ont fait sur les ondes radio et télé ce vendredi matin.

>> Jeudi soir sur Twitter

Mais dès jeudi soir, certains élus Front national, qui pour sa part défend la sortie du Royaume-Uni de l'UE et promet un référendum sur le sujet concernant la France en cas de victoire en 2017, ont dénoncé la mise en avant de l'europhilie de Jo Cox. Selon ces représentants du parti d'extrême droite français, les responsables politiques qui soulignent cet aspect du combat politique de la députée britannique se livrent à de la récupération politicienne de bas étage visant à favoriser le camp du "in", surfant sur un meurtre sordide. L'eurodéputée Sophie Montel et Jordan Bardella, conseiller régional d'Île-de-France et patron du FN en Seine-Saint-Denis, sont de ceux-là :

Jordan Bardella avait auparavant dit être "horrifié" par l'assassinat de Jo Cox.

>> Vendredi matin dans les médias

Marion Maréchal-Le Pen leur a emboîté le pas, sur France Info :

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- Marion Maréchal-Le Pen : Si vous pouvez me permettre de rebondir sur ce tragique meurtre dont on ne sait rien, moi je suis un petit peu étonnée quand même qu'il soit l'objet d'une tentative en tout cas de manipulation, puisque tout est présenté comme si...



- France Info : Sur France Info, on ne manipule rien.



- Marion Maréchal-Le Pen : Ah non mais je parle pas nécessairement de vous, mais c'est vrai qu'on a le sentiment que tout ce meurtre est présenté du fait qu'elle [Jo Cox, ndlr] soit opposée au Brexit. On n'en sait strictement rien, d'une part.



- France Info : En tout cas, la campagne est suspendue...



- Marion Maréchal-Le Pen : Bien sûr, mais ça c'est dans l'ordre des choses.



- France Info : On sait aussi que ça crée un climat qui est extrêmement tendu au Royaume Uni.



- Marion Maréchal-Le Pen : Oui, enfin ça crée un climat de débat qui m'apparaît pas assez sain et en effet, certains utilisent la peur. Oui je pense en effet que, pour les mêmes raisons d'ailleurs que l'Angleterre aujourd'hui, qui est je le rappelle déjà en dehors de l'espace Schengen et de la zone euro, fait partie des pays qui tout de même bénéficie d'un taux de croissance qui est largement supérieur au nôtre, de même que la Suède... [elle est interrompue].

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Notez au passage comment, sur la fin, elle passe *subrepticement* et sans transition de la dénonciation de cette "manipulation" à un discours beaucoup plus politique sur les désavantages de l'appartenance à l'Union européenne.

Sur France 2, Nicolas Bay s'en est pour sa part tenu à cette mise en garde contre tout "récupération politique", appelant à laisser la police faire son travail :

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- Nicolas Bay : C'est difficile d'avoir une explication évidemment, c'est un événement dramatique et on pense d'abord à sa famille et à ses enfants. Pour le reste, je pense que c'est l'enquête qui dira les choses et qu'il faut surtout se garder de toute récupération politique.



- France 2 : [Le tueur présumé] aurait un passé d'extrême droite...



- Nicolas Bay : Ce n'est pas une certitude, pour l'instant ça fait partie des hypothèses. J'ai entendu dire aussi qu'il avait un passé psychiatrique assez lourd. Encore une fois, je crois qu'il faut laisser les enquêteurs enquêter et se garder des conclusions hâtives.

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Interrogé dans la foulée sur le positionnement anti-UE du FN, il a ensuite déroulé son discours habituel sur le sujet, le tout étant cette fois clairement déconnecté du meurtre de Jo Cox :

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Gilbert Collard, enfin, a eu le dialogue suivant avec Sud Radio et Public Sénat :

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- Sud Radio/Public Sénat : Jo Cox était favorable au maintien de la Grande-Bretagne dans l'Europe comme vous le savez. L'assassin aurait crié 'la Grande-Bretagne d'abord'. Est-ce qu'au fond, lorsque le débat est violent, lorsque les haines sont là, on n'induit pas ce genre de drame ?



- Gilbert Collard : Alors d'abord ne commençons pas à faire de ce drame, qui pourra se produire ailleurs, un argument contre le Brexit. On a aujourd'hui des témoignages, j'en ai vu un ce matin, qui affirment que l'assassin n'a jamais crié cela.Donc essayons de ne pas faire le trottoir politique. [...] Nous sommes dans une période climatérique, pour employer un terme que les historiens utilisent. C'est-à-dire qu'on est à un moment donné où tous les facteurs d'explosion sont réunis. On a tout fait pour qu'ils se coagulent et toute violence est possible aujourd'hui. Arrêtons de nous raconter des histoires. On a des signes imperceptibles de violence, on les voit pas, on les traite pas ; on a des signes perceptibles de violence, on les voit, on les traite pas. Et on provoque une espèce de généralisation de la violence qui va nous frapper tous ! Tous !

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Rappelons à toute fin utile que c'est le même Gilbert Collard qui, quelques heures après les attentats du 13 novembre, avait balancé un appel à voter Marine Le Pen en 2017.

Et le député RBM de préciser à nouveau, à l'invitation des journalistes, qu'il "reçoit des menaces en permanence" et que "monsieur Cazeneuve s'en fout". "Je reçois des menaces de mort, notamment sur Twitter, des appels téléphoniques", a-t-il assuré. Avant d'être ramené à l'assassinat de Jo Cox et de conclure, s'en prenant directement au Premier ministre britannique David Cameron, qui milite contre la sortie de l'UE :

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- Gilbert Collard : En deux mots : cet attentat est horrible, mais comme toute forme d'agression contre quelque vie humaine que ce soit. Mais n'en faites pas, je vous en supplie, un instrument de propagande contre le Brexit, ce serait déplacé.



- Sud Radio/Public Sénat : Est-ce que ça peut changer le résultat, sur le Brexit ?



- Gilbert Collard : Non parce que je crois que tout le monde est conscient que [David] Cameron va essayer d'utiliser cette mort, ce qui est moche, parce que la mort de nos victimes - et je parle en général - n'appartient à personne et n'est la propriété racoleuse de personne. Mais on devrait quand même prendre acte, je crois.

"

[Edit 12h14]

Citée par une journaliste de BFMTV, Marine Le Pen a cependant déclaré, au cours d'un rassemblement à Vienne à l'incitation du FPÖ (extrême droite autrichienne), qu'il serait "malvenu et indécent" d'utiliser ce drame dans le but de "pousser un camp ou l'autre" :



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