Bad buzz, mais buzz quand même après l'édito pro-Sarkozy de Serge Dassault dans Le Figaro lundi. François Hollande a lui bénéficié mardi de la Une et six pages de Libération pour faire passer ses messages : la presse écrite lance donc en fanfare la campagne présidentielle de 2012.
Pourtant beaucoup pensent savoir, à l'image de Franck Louvrier, le conseiller en communication du Président, que la campagne 2012 "se fera surtout sur les chaînes d’info continue et Internet".
Mais Le Lab et son experte en communication politique, Marie Lherault, vous démontrent, en cinq points, qu'il ne faut pas enterrer la presse papier trop vite.
Le Figaro roule pour Sarkozy, Libération propulse Hollande
Lundi 2 janvier, des vœux contre les rivaux de "Sarkozy-le-sauveur" dans Le Figaro.
Serge Dassault, sénateur UMP et propriétaire du Figaro, écrivait lundi dans son édito annuel (photo ci-dessous) :
Lui seul [Nicolas Sarkozy, ndlr] pourra sauver la France et les Français de la faillite !
Cliquez ici pour lire l'article que le Lab y consacrait lundi.
Mardi 3 janvier, porte ouverte pour François Hollande dans Libération
Le lendemain des vœux offensifs au (futur) candidat de droite par le grand quotidien de droite, c'est le grand quotidien de gauche qui lance la campagne de son champion. Une "Une-affiche" comme on dit à Libération, sans photo, avec, en gros caractères, le début de la tribune de François Hollande, "le changement, c'est maintenant". Puis six pages à la gloire du candidat PS, dont un édito de Nicolas Demorand.
Un gage de sérieux
Dans une vidéo publiée mardi sur le site internet de Libération, le directeur de la rédaction assume une "entrée en campagne" de son journal et se vante d'avoir décroché avec ce texte un scoop "que beaucoup d'autres auraient aimé avoir".
Les lecteurs achètent Libé et Le Figaro pour qu’ils soient engagés
Sur livre.fnac.com
L'avis de l'expert
Les lecteurs du Figaro et de Libération s’attendent à ce que la ligne éditoriale de leur journal soit engagée. Ils sont donc prêts à débourser désormais 1,50 euros, mais il faut que leur journal leur ressemble.
Lors de certaines manifestations comme après le 21 avril 2002, la Une de Libération devient une véritable affiche derrière lequel se réunit le peuple de gauche. De même la titraille du Figaro répond souvent à la grille de lecture des partisans de Nicolas Sarkozy.
EXTRAIT du livre Le dictionnaire du vote de Pascal Perrineau et Dominique Reynié (PUF, 2001), pp. 624-626 du chapitre Effets des médias :
Des tableaux de corrélation sont construits entre l’orientation politique des lecteurs et le journal qu’ils lisent habituellement. Ainsi, les lecteurs du Figaro ont voté à 73% pour le RPR-UDF aux législatives de 1997 et ceux de Libération à 51 % pour le PS, alors que le lectorat du parisien est très composite avec un fort pourcentage de vote FN (20%).
Les leaders d'opinion continuent de lire la presse
C'est ce que les experts appellent la théorie de la communication à deux étages ("two step flow of communication" en anglais). Une théorie conceptualisée en 1955 par deux sociologues américains, Paul Lazarsfeld et Elihu Katz et affinée depuis.
Le Lab tente de la synthétiser en une phrase : tous les électeurs ne sont pas directement influencés par la presse mais plutôt par certaines personnes (famille, amis, enseignants, figures médiatiques). Or ces "leaders d'opinion", eux, continuent de lire assidument la presse payante.
Donc certes, les ventes de la presse écrite payante baissent inéluctablement, mais son influence se maintient.
De plus, pour Marie Lhérault, les étages se multiplient au point de pouvoir aujourd’hui parler de "multi-step flow", les étapes de la communication entre médias et électeurs se démultipliant et se complexifiant.
La télé lit les journaux
Sur youtube.com
Pierre Bourdieu avait raison. Le professeur au collège de France a théorisé en 1996 dans un cours-télévisé puis dans le livre Sur la télévision (édition Liber-raisons d'agir), la circulation circulaire de l'information.
En clair, les journalistes de télévision lisent assidument les journaux papiers. Les journalistes de presse écrite écoutent la radio. Les femmes et hommes de radio regardent la télévision. Bref, les premiers lecteurs de la presse sont les médias eux-mêmes.
Concrètement, aujourd'hui, selon notre experte, les journaux les plus influents dans l'audiovisuel, ceux qui touchent donc par ricochet le plus large public sont, dans l'ordre :
- Le Parisien
- le triptyque : Libération, Le Monde, Le Figaro
- les hebdomadaires : L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur
Créer un nouveau média ne supprime pas les anciens
Sur ladocumentationfrancaise.fr
L’apparition de nouveaux médias n’a jamais fait disparaître les médias antérieurs. Chaque média finit par trouver son audience, ses modes de consommation, ses contenus au milieu de l’offre médiatique globale. La presse écrite y arrivera.
EXTRAIT (page 13) du rapport La presse au défi du numérique : rapport au ministre de la culture en 2007.
L’arrivée de la radio n’a pas fait disparaître les journaux, de même que le développement de la télévision n’a pas empêché le maintien d’une présence forte de la presse et de la radio.
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