CSC - Le climat politique a rarement été aussi tendu que ces dix derniers jours. Après l'attentat de Nice, le 14 juillet, de très nombreuses polémiques ont rapidement occupé le débat public, entre mise en cause de la capacité de l'État à assurer la sécurité du pays et accusations de mensonge entre le ministère de l'Intérieur et la mairie de Nice. Une hostilité généralisée, donc, rendant impossible une quelconque unité de la Nation. Une "victoire donnée" à Daech, déplore Laurence Rossignol.
Invitée de LCI lundi 25 juillet, la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes rappelle que cette succession de polémiques "était engagée très tôt, les larmes n'étaient pas séchées sur les joues et dans les cœurs". Elle y voit une volonté de "trouver d'autres coupables que les terroristes", "parmi nous". Elle ajoute :
"Mettons-nous à la place de l'ennemi et regardons les victoires qu'on lui a données ces derniers jours. La première victoire, qu'il a prise, c'est 84 vies qu'il a arrachées à Nice. Et la deuxième victoire, c'est un pays qui polémique, des responsables politiques qui ne sont pas d'accord entre eux, qui mettent en cause la sincérité, l'honnêteté, la vérité. Et l'ennemi regarde ça en se disant : 'Très bien, nous sommes déjà parvenus à mettre la discorde entre les responsables politiques français'.
Le débat politique, c'est une chose, mais il ne peut pas porter sur la suspicion, la mise en cause de l'engagement de l'État, du ministre de l'Intérieur, des services de gendarmerie qui sont impliqués dans la lutte contre le terrorisme. Sinon les gens ne croient plus personne. Qui croire alors, à ce moment-là ? On est dans le complotisme le plus total. Et ce que veut l'État islamique, c'est d’abord nous diviser, pour nous affaiblir, et aussi nous diviser dans ce qui fait notre identité collective.
"
Laurence Rossignol évoque aussi les témoignages d'insultes racistes (voir ici ou là) "à l'égard des victimes ou des familles de victimes" qui ont eu lieu à Nice, dans les jours suivant l'attentat. Et de s'en prendre à l'ancien maire devenu premier adjoint de son très discret successeur, Christian Estrosi :
"Je crois que monsieur Estrosi, qui est encore un petit peu maire de Nice semble-t-il, devrait aussi s'interroger sur ce qui se passe dans sa ville pour que des dérapages de ce type puissent se laisser aller.
"
Un scud qui ne l'empêche pas, dans la foulée, de faire valoir :
"Nous avons des priorités, et l'une des priorités c'est de parler aux Français, pour leur dire que la fraternité, la solidarité, l'unité des Français pour faire face au terrorisme islamique [elle commet ici la même erreur que Nicolas Sarkozy, en confondant 'islamique' et 'islamiste', ndlr] est déterminante.
"
"Personne n'est responsable de ce climat mais tout le monde doit prendre ses responsabilités dans ce climat", dit-elle encore. "Notre rôle, c'est de donner confiance aux Français pour être unis face au terrorisme. L'unité est la force principale du peuple attaqué."
[BONUS TRACK]
Depuis dimanche, la ministre est la cible des moqueries des... fans de Pokémon. Dans un tweet dominical, Laurence Rossignol s'en est effectivement pris au jeu Pokémon Go, qui consiste à attraper et dresser ces créatures bien connues, grâce à la réalité augmentée sur smartphone. Ironisant sur un "nouveau jeu pour favoriser les échanges, la curiosité et l'attention à l'autre", l'ancienne sénatrice s'est attirée le courroux des joueurs, nombre d'entre eux lui rappelant que justement, le jeu est au contraire devenu un moyen de sociabiliser, avec des rassemblements organisés par des associations ou sur Facebook.
Sur LCI ce lundi, elle fait en quelque sorte amende honorable sur ce point, disant tout de même attendre de voir les effets précis de Pokémon Go sur la sociabilité des joueurs :
"D'abord, mon tweet disait pas que le jeu me déplaisait, il posait un peu la question. Depuis hier, les pratiquants de ce jeu me disent tous que ce jeu va accroître la sociabilité, que les gens vont encore plus se rencontrer, plus se parler. J'ai été convaincue de la volonté d'un certain nombre d'entre eux pour plus de sociabilité [sic]. Je souhaite qu'ils aient raison et c'est l'usage qui nous dira si effectivement c'est un jeu qui a accru les échanges entre les gens.
"
Elle ajoute qu'il s'agit là de son rôle de ministre des Familles que de s'intéresser à ce genre d'impact des jeux vidéo :
"C'est le rôle de la ministre de la Famille, de l'Enfance et des Droits des femmes que de s'intéresser au jeu, au rapport entre les gens, au lien social, à ce qui favorise les relations. Et puis vous savez, les parents, ils vont nous interroger parce que sur tous ces jeux, à un moment donné les tout petits finissent par s'en emparer. Et donc mon rôle, c'est toujours la même question : est-ce que le lien social en sort renforcé ou affaibli ?
"
[Edit 12h]
Sa collègue ministre de la santé, Marisol Touraine, a de son côté encouragé "tous les dresseurs" à "sortir" et "marcher" pour attraper des Pokémons car "c'est bon pour la santé", tout en les appelant à la vigilance "pour éviter l'accident". Voilà donc que le gouvernement communique par le biais de ce jeu vidéo...
À tous les dresseurs : sortez, marchez, c'est bon pour la santé! Mais restez bien attentifs pour éviter l'accident. Bonne chasse! #PokemonGo
— Marisol Touraine (@MarisolTouraine) 25 juillet 2016