C’est la débandade au Parti socialiste. Après la dérouillée reçue par Benoît Hamon à la présidentielle, les législatives s’annoncent tout aussi réjouissantes : entre 20 et 35 sièges à l’Assemblée selon les sondages, on est plus proche du PCF de George Marchais de 1993 que de la défaite historique du PS de Laurent Fabius à ce même scrutin.
Pendant que le bateau coule, le capitaine "Camba" tente de remobiliser les troupes, en public en tout cas. Parce qu’en interne, l’ambiance est, comment dire, trèèès tendue.
Pour preuve, cette circulaire que le Lab a pu se procurer. Adressée le 31 mai dernier aux premiers secrétaires fédéraux, aux membres du conseil national et aux parlementaires, cette lettre fait état de la décision du Bureau national après la saisine de la CNC (Commissions nationale des conflits). Décision adoptée sans aucun avis contraire, nous fait-on savoir dans les instances du PS. Elle commence comme ça :
"Les socialistes qui sont candidats aux élections législatives (titulaires ou suppléants) au titre de 'La République en Marche' ou d’un autre parti que le Parti socialiste, se sont mis eux-mêmes en dehors du Parti socialiste et sont réputés démissionnaires.
"
Concrètement, ceux qui préfèrent jouer pour l’équipe adverse doivent de fait changer de maillot. Le PS le leur notifie par courrier et prend acte de leur démission, d’office donc. Rien de très original pour un parti. C’est la suite qui innove :
"Si cette disposition prise par le Bureau national est statutaire, pour être juridiquement incontestable, elle sera assortie prochainement d’une liste nominative des camarades en question.
"
Déjà pour la présidentielle, le PS avait pris de telles dispositions envers ses *camarades*. La circulaire du 31 mai, elle, termine le travail :
"Ces dispositions s’appliqueront également à tous les socialistes qui feront campagne pour un autre candidat que le candidat désigné ou soutenu par le Parti socialiste.
"
Que comprendre derrière ce "tous les socialistes" ? Le PS va-t-il devoir exclure nombre de ses (si peu nombreux) militants ? C’est ce qui inquiète Jonathan Kienzlen, Premier secrétaire fédéral du Val-de-Marne et conseiller régional d'Île-de-France. Au Lab, il explique que considérer comme démissionnaires tous les militants qui n’ont pas soutenu un candidat socialiste équivaut à "une purge". Il l’assure, de la sorte, le PS "va perdre un tiers de ses membres".
Ce n’est pas le fond qui le choque, mais la forme. Aux dires de Jonathan Kienzlen, traduire en commission des conflits un socialiste qui ne soutient pas un socialiste, lui-même l’a fait dans sa fédération, le PS l’a fait pour Manuel Valls, c’est normal. Mais qu’ils soient considérés comme démissionnaires, donc exclus d’office, sans passer par la case Commission des conflits, "ça va trop loin", estime-t-il.
Question de curseur, pour Jonathan Kienzlen. Pour éviter le "deux poids, deux mesures", il faut choisir entre la "grande clarification" et le "cas par cas". Le Premier secrétaire fédéral du Val-de-Marne propose de trancher avec "l’exemple le plus emblématique : Benoît Hamon, membre du PS ou démissionnaire ? "
Candidat PS à la présidentielle, Benoît Hamon n’a *pas franchement* souffert d’un soutien inconditionnel de la part des siens. Désormais, dans le 18ème arrondissement de Paris, il soutient Caroline De Haas (également soutenue par le PCF et EELV) face à Myriam El Khomri. Certes, cette dernière, investie par le PS, n’est pas allée jusqu’à supprimer le logo du PS de son affiche de campagne (coucou Marisol Touraine), mais elle y met tout de même ce message : "Avec Emmanuel Macron, pour une majorité de progrès".
Avec @EmmanuelMacron, pour une majorité de progrès 1/2 #Electionslegislatives2017#circo18#paris18#paris9#ps18pic.twitter.com/vQ8EJY18hm
— Myriam El Khomri (@MyriamElKhomri) 19 mai 2017
Mais alors, selon la circulaire, Benoît Hamon, en faisant "campagne pour un autre candidat que le candidat désigné ou soutenu par le Parti socialiste" ne se met-il pas lui-même "en dehors du Parti socialiste" ? Pour sa part, Jonathan Kienzlen tient à assurer qu'au PS, "on a toujours besoin de lui".
Tout ceci ne sera clarifié qu’après les élections législatives, lorsque la situation politique sera décantée. Reste à savoir avec quelle *souplesse* le Parti socialiste va appliquer ses règles. Car sans les vallsistes, sans les hamonistes, sans les hidalgoïstes, etc., il pourrait ne pas rester grand monde au PS.