VIDÉOS - C'est faux mais c'est vrai : l'argumentaire flottant du FN sur son supposé prêt russe

Publié à 11h11, le 23 décembre 2016 , Modifié à 11h16, le 23 décembre 2016

VIDÉOS - C'est faux mais c'est vrai : l'argumentaire flottant du FN sur son supposé prêt russe
Des gens essayant d'expliquer que des choses vraies sont fausses, avant d'admettre qu'elles sont vraies. © Montage Le Lab

AH MAIS OUI MAIS NON C'EST VRAI - Après celui de 9 millions d'euros en 2014, le Front national a-t-il sollicité un nouveau prêt de 28,7 millions auprès d'une banque russe pour financer ses campagnes présidentielle et législatives en 2017 ? À en croire les réponses des cadres frontistes à ce sujet, la réponse est à la fois "oui et non". Ou plutôt "non mais oui".

Depuis jeudi 22 décembre, plusieurs responsables du parti d'extrême droite se sont succédé dans les médias où ils ont été interrogés sur les informations du Canard Enchaîné selon lesquelles une telle demande de financement aurait été formulée, en échange d'une reconnaissance officielle par Marine Le Pen de l'appartenance de la Crimée à la Russie (ce qui inquiète les services de renseignements américains). Et si tous commencent par démentir ces affirmations avec un langage fleuri et catégorique, ils finissent invariablement par reconnaître que le FN cherche des financements partout où il peut à l'étranger, y compris en Russie.

Déjà auprès du Lab mercredi, Marine Le Pen elle-même empruntait ce chemin. Elle disait d'abord "c'est n'importe quoi", avant de préciser qu'"aucun prêt n'a pour l'instant été contracté" (ne démentant donc pas qu'il ait été sollicité) et ajoutant : "Il n'est un secret pour personne que nous cherchons dans le monde entier une banque susceptible de nous prêter". La Russie ne faisant visiblement pas exception.

Petite déconstruction de cet angle de défense d'un FN visiblement *un peu* gêné par ses financements étrangers, autoproclamé "patriote" qu'il est.

# Partie 1 : c'est faux

C'est la phase "déni". Ainsi l'interview de Florian Philippot, numéro 2 du parti, sur RTL ce vendredi, commence-t-elle ainsi :

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- RTL : 'Le Canard Enchaîné' disait que vous aviez sollicité des banques russes pour un prêt de 30 millions [de dollars], est-ce que c'est le cas ?



- Florian Philippot : Non, c'est totalement bidon.

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Ce qui a le mérite d'être clair. À voir à partir de 5'40 sur cette vidéo :



Même rhétorique du côté de Louis Aliot sur BFMTV, ce vendredi également. Vice-président du parti et compagnon de Marine Le Pen, l'eurodéputé frontiste est d'abord catégorique :

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- Jean-Jacques Bourdin : Le Front national a-t-il demandé en février dernier à une banque russe un prêt de 30 millions de dollars ? C'est vrai ou faux ?



- Louis Aliot : Nnnnnon !



- Jean-Jacques Bourdin : Aucune demande de prêt ?



- Louis Aliot : Si, aux banques françaises.

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En France et c'est tout, donc. À revoir en vidéo :



Jeudi sur Europe 1, tout commence presque de la même manière. Le secrétaire général du parti, Nicolas Bay, explique que le FN n'a pas encore trouvé les financements nécessaires aux échéances électorales de 2017. Il dit ensuite qu'il a sollicité des établissements bancaires "en France bien sûr, mais aussi à l'étranger". Puis vient la question sur la Russie :

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- Europe 1 : Un parlementaire américain s'inquiète du fait que Marine Le Pen ait sollicité un prêt de 30 millions [de dollars] en échange d'une reconnaissance de l'appartenance de la Crimée à la Russie en cas de victoire. Une demande de prêt auprès d'établissements bancaires russes, est-ce que vous confirmez cette information ?



- Nicolas Bay : J'infirme totalement, ce sont des élucubrations et des affirmations parfaitement folkloriques.

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Bénéfice du doute cela dit : peut-être Nicolas Bay "infirme"-t-il seulement le deal sur la reconnaissance de la Crimée. Mais sa réponse très nette entretient quoi qu'il en soit la confusion.

# Partie 2 : mais c'est vrai

C'est la phase "acceptation" (à demi-mots). Car lorsqu'on demande ensuite à Florian Philippot si le FN "exclut" de solliciter un tel prêt, le vice-président du parti se fait plus évasif : "On cherche là où on peut trouver parce que de toute façon, on a besoin d'argent pour financer une campagne, comme tout le monde. Il se trouve qu'aujourd'hui les banques françaises refusent de prêter à la candidature de Marine Le Pen, ce qui est totalement anormal."

Avant de finalement reconnaître :

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Nous essayerons de trouver l'argent là où il se trouve, en Russie ou ailleurs, on n'a pas de focalisation sur un pays en particulier.

 

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C'est dit.

Tout pareil avec Louis Aliot :

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- Louis Aliot : Nous avons demandé sur le marché français, aucune banque ne répond, et un certain nombre de pays autres, en Europe et ailleurs, mais aux États-Unis aussi [...].



- Jean-Jacques Bourdin : Vous pourriez faire une demande de prêt à une banque russe, ça ne vous choquerait pas ?



- Louis Aliot : Mais nous pourrions, mais pas que russe : aux Israéliens, aux Iraniens, à qui vous voulez.



- Jean-Jacques Bourdin : Et là, vous avez demandé aux Israéliens, aux Iraniens, aux Russes, vous demandez à tout le monde quoi ?



- Louis Aliot : Exactement.

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C'est dit une nouvelle fois.



Idem avec Nicolas Bay :

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- Europe 1 : Mais vous n'excluez pas de demander à des établissements russes de vous prêter de l'argent ?



- Nicolas Bay : Jusqu'à maintenant, on n'exclut rien, on a lancé un certain nombre de pistes pour rassembler ces financements.

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C'est dit une troisième fois.

Il faut donc lourdement insister pour que les cadres frontistes admettent que oui, le parti a bien demandé (ou envisage de le faire) un prêt à une banque russe. Mais alors, pourquoi toutes ces contorsions initiales pour tenter de faire croire l'inverse ?

Au mois de mai, Europe 1 révélait que le FN, toujours en quête de financements pour la présidentielle et les législatives 2017, avait envoyé des demandes de prêt à 45 banques dans le monde, y compris en Russie. Le 1er octobre, Jean-Marie Le Pen annonçait que Cotelec (la structure de financement du FN qu’il préside) allait "accéder à une partie de la demande" du FN en lui accordant un prêt que Marianne chiffrait alors à 6 millions d'euros.

Pour justifier ces démarches de financement hors de France, le parti d'extrême droite répète que les banques françaises refusent de lui prêter de l'argent pour financer ses campagnes électorales, notamment depuis l'affaire Bygmalion. "L'effet Bygmalion est catastrophique pour tout le monde. À cause des tricheries de l'UMP, l'affaire Bygmalion, les banques sont encore plus réticentes", avait ainsi déclaré Florian Philippot en février.

Du rab sur le Lab

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