Joyeux Hanoukka, et votez pour moi : c'est le message de Valérie Pécresse à la communauté juive d'Île-de-France. C'est par un long courrier à en-tête de sa campagne et daté de jeudi 10 décembre que la candidate LR-UDI-MoDem a fait d'une pierre deux coups.
La plus grande partie de son message est d'ordre général, rappelant par exemple la "communauté de valeurs entre le judaïsme et la République". Mais Valérie Pécresse y glisse aussi plusieurs références très explicites aux élections régionales, notamment des engagements en vue de son éventuelle élection, dimanche soir, à la tête de la région capitale. Le contenu précis de cette missive est détaillé dans la suite de l'article.
Contacté par Le Lab, l'entourage de la candidate affirme que cette lettre n'a pas été "envoyée directement du siège" de campagne mais simplement "mise à disposition des têtes de liste départementales". "Charge ensuite à eux de savoir s'ils désiraient relayer ce courrier localement", aux autorités religieuses ou membres influents de la communauté, par exemple.
Et ce proche de Valérie Pécresse de justifier l'association d'un message d'amitié sur fond de fête religieuse avec un appel au vote : "C'est une lettre très républicaine. Elle a été rédigée à l'occasion de cette fête, mais on ne peut pas non plus la séparer du contexte politique". Un courrier semblable a-t-il été préparé à l'attention d'autres communautés religieuses, par exemple la communauté musulmane ? "Je ne crois pas, mais nous avons eu l'occasion de s'adresser à eux d'autres manières", dit ce conseiller. Quant à l'électorat catholique traditionnel, Valérie Pécresse lui a déjà envoyé des signaux, notamment en intégrant sur ses listes des représentants de La Manif pour Tous et en menaçant de couper les subventions aux associations qui feraient la promotion d'une soi-disant "théorie du genre" et qui ont "manifesté pour la loi Taubira".
Sa lettre à la communauté juive francilienne a notamment été envoyée par mail par le député UDI Meyer Habib, représentant des Français de l'étranger. Sa circonscription englobe l'État d'Israël, entre autres. L'élu centriste revendique d'avoir "co-rédigé" le courrier. Et sur Facebook, sur Twitter et par mail que nous avons pu consulter, Meyer Habib ne cache pas l'intention électorale derrière tout cela, évoquant un "second tour crucial" et appelant à "faire barrage partout au Front national". Valérie Pécresse, en revanche, n'a pas du tout publicisé cette lettre.
# Ce qu'écrit Valérie Pécresse
Dans ce courrier, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy commence donc par adresser ses "meilleurs voeux pour les fêtes de Hanoukka" aux Franciliens de confession juive. À qui elle tient visiblement à bien montrer qu'elle comprend le sens profond de cette fête religieuse :
"Hanoukka célèbre l'histoire, il y a deux mille ans, d'une petite fiole d'huile, qui permît de ressusciter la lumière face à l'obscurité, de réaffirmer la supériorité du droit sur la force, de rallumer la flamme de l'espoir contre la peur. Ce message emprunte aujoud'hui un sens particulier. Le combat des Lumières contre les forces d'oppression et de barbarie, c'est l'histoire de l'idéal républicain.
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Ensuite, elle souligne la "communauté de valeurs entre le judaïsme et la République" ainsi que l'"immense" "contribution des Juifs à la République", citant Raymond Aron, Pierre Mendès-France, Marc Bloch ou encore Simone Veil. Viennent ensuite quelques mots sur "l'épanouissement harmonieux du judaïsme en France" qui "valide notre modèle républicain et laïc". C'est là qu'intervient le premier message à caractère ouvertement électoraliste :
"Je m'engage à subordonner l'octroi d'une subvention régionale à l'engagement de respecter les lois et valeurs de la République et au premier rang desquelles la laïcité et l'égalité hommes-femmes.
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"C'est ainsi qu'en tant que républicaine, je combattrai toujours avec vigueur l'antisémitisme et, son visage moderne, la haine d'Israël", ajoute Valérie Pécresse. Qui "n'oubliera jamais" que des juifs ont été expressément visés par des attentats terroristes sur le sol français, en 2012 par la tuerie de Mohamed Merah dans une école juive de Toulouse et en janvier 2015 à l'Hyper Casher de la Porte de Vincennes.
Après les attentats, c'est donc naturellement le sujet de la "guerre contre le groupe État islamique" qu'aborde la candidate. Si elle en parle, c'est pour assurer la communauté juive de sa détermination à refuser de "s'allier avec des terroristes pour détruire l'État islamique, surtout pas le Hezbollah, mouvement djihadiste, responsable de la mort de dizaines de Français, parmi lesquels de nombreux Parisiens". Dernièrement, c'est pourtant l'un de ses plus importants soutiens, François Fillon, qui préconisait un soutien aux "seules forces au sol qui combattent réellement l'Etat islamique" en Syrie, dont le Hezbollah...
Mais tant qu'elle parle de terrorisme, Valérie Pécresse ajoute :
"Contrairement à plusieurs élus de gauche en Île-de-France, qui érigent des terroristes responsables de la mort de civils israéliens en citoyens d'honneur de leurs communes ou rebaptisent des places en leur honneur, je considère qu'il n'y a pas de bon et de mauvais terrorisme.
"
Elle explique ensuite qu'elle "conna[ît] bien Israël", notamment pour y avoir "fait récemment un voyage très instructif avec [son] ami, le député Meyer Habib".Mais ce sont véritablement les trois derniers paragraphes du courrier qui constituent de vrais arguments électoraux :
"Je ne tolérerai pas, en conformité avec la loi, qu'en Île-de-France on boycotte Israël d'une quelconque manière : ni les produits, ni les artistes, ni les universités. Au niveau régional, j'ai d'ailleurs, par contraste avec l'équipe existante, l'intention de développer la coopération décentralisée avec des collectivités israéliennes.
Avec près de 350.000 Juifs, l'Île-de-France est la région qui concentre aujourd'hui la plus grande communauté juive d'Europe. Quelles que soient leurs décisions individuelles, je veux dire à tous les Juifs d'ïle-de-France, à tous les Franciliens, que leur avenir est dans notre région.
Mes chers compatriotes, je vous demande, en tout état de cause, d'aller voter dimanche prochain et faire barrage au Front national comme à l'extrême gauche. Je ne vous décevrai pas. [...]
"
La lettre dans son intégralité :