LA PRESSION - Un conseil des ministres exceptionnel a été convoqué à l'Élysée à 14h30 mardi 17 février, juste avant le vote de la loi Macron et dans un contexte très tendu sur le texte du ministre de l'Économie. Signe de la pression sous laquelle se trouve l'exécutif sur ce texte que François Hollande lui-même a défendu publiquement à plusieurs reprises, et notamment pendant ses voeux aux Français le 31 décembre.
>> À lire également sur Le Lab : Fail de la communication de Bercy, qui annonce l’adoption de la loi Macron avant le vote solennel par l’Assemblée nationale
Une source gouvernementale précise à l'AFP que ce conseil des ministres a "évidemment" porté sur l'adoption de la loi Macron. Les ministres ainsi que François Hollande et Manuel Valls sont sortis de cette réunion aux alentours de 14h50.
Le gouvernement a peiné à trouver une majorité pour faire adopter le projet de loi "pour la croissance et l'activité". Devant l'opposition d'un certain nombre d'élus de la majorité, le Premier ministre Manuel Valls a ainsi déclaré, devant le groupe PS mardi matin, qu'"à ce stade, le texte ne passe pas".
L'exécutif envisage-t-il d'activer l'article 49.3 de la Constitution, qui lui permettrait de faire passer le texte en force en se passant d'un vote de l'Assemblée nationale ? "Toutes les options sont ouvertes", a indiqué l'entourage du Premier ministre. Au titre de la Constitution, l'utilisation de cet article doit être décidée par le Premier ministre "après délibération du Conseil des ministres" :
"Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.
"
Avec le 49.3, le projet de loi est donc considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l'Assemblée. Si la motion de censure est votée, le gouvernement doit démissionner.
Le vote solennel, initialement prévu pour le 10 février, avait été repoussé au 17 après l'allongement de la durée des débats sur le texte "pour la croissance et l'activité". Un texte très conséquent, sorti du travail en commission alourdi de quelque 2.000 amendements et contenant plus de 200 articles au total.
En réaction, les élus socialistes frondeurs se sont réunis en urgence, selon une journaliste de BFMTV :
Réunion d'urgence des frondeurs #49.3 #directAN
— Pauline de St Remy (@PauSR) 17 Février 2015
L'utilisation du 49.3 peut donc également être vue comme une manière de mettre les frondeurs au pied du mur : vent debout contre la loi Macron, ils seraient soient contraints de se soumettre à la décision de l'exécutif de faire passer ce texte en force, soit de voter une éventuelle motion de censure, ce qui reviendrait à acter leur rupture avec le Parti socialiste.
Début janvier, sur France Inter, François Hollande avait pourtant indiqué qu'il n'envisageait pas a priori de devoir recourir à l'article 49.3 pour faire adopter la loi Macron malgré l'opposition d'une partie de la majorité socialiste. Il expliquait :
"Je suis confiant. [...] J'ai la même méthode depuis le début de ce quinquennat : faire un dialogue avec le Parlement, permettre que des améliorations puissent être apportées, que des corrections puissent éventuellement être données. Et ensuite, il y a un vote. Je n'ai pas à présupposer qu'il serait tellement difficile qu'il conviendrait d'utiliser des méthodes contraignantes.
"
L'article 49.3 a été utilisé 82 fois depuis le début de la Ve République. Les plus gros utilisateurs parmi les Premiers ministres ont été Raymond Barre (8 fois), Jacques Chirac (8 fois), Michel Rocard (28 fois), Edith Cresson (8 fois).
Sa dernière utilisation remonte à Dominique de Villepin, sur le CPE en 2006. À l'époque Premier secrétaire du PS, François Hollande avait alors dénoncé"une brutalité, un déni de démocratie, une manière de freiner ou d'empêcher la mobilisation".
>> À lire également sur Le Lab : Christian Jacob (UMP) annonce le dépôt d'une motion de censure en cas de recours au 49.3 sur la loi Macron