Déchéance : quand Cazeneuve expliquait que "la lutte contre le terrorisme ne se fait pas contre la Constitution"

Publié à 11h51, le 28 décembre 2015 , Modifié à 13h29, le 28 décembre 2015

Déchéance : quand Cazeneuve expliquait que "la lutte contre le terrorisme ne se fait pas contre la Constitution"
Bernard Cazeneuve © ANWAR AMRO / AFP

#PASSIONARCHIVES - Le gouvernement n'aurait peut-être pas eu besoin de la petite leçon de droit constitutionnel dispensée par Patrick Devedjian, au sujet de la déchéance de nationalité. François Hollande et Manuel Valls auraient tout aussi bien pu se tourner vers Bernard Cazeneuve.

Le député LR des Hauts-de-Seine a rappelé, sur son blog dimanche 27 décembre, que la Déclaration des droits de l'Homme, qui "fait partie du bloc de constitutionnalité", établit que "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit". Il explique donc qu'étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés en France serait contraire à ces dispositions fondamentales, socle du droit français. Mais tout ça, Bernard Cazeneuve le sait. C'est même de cette façon qu'il argumentait, lui ministre de l'Intérieur, pour contester la même extension de la déchéance proposée par la droite en septembre 2014, soit quatre mois avant les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher.

Eh oui, les archives peuvent être un peu enquiquinantes. Dans le documentaire L'Intérieur au coeur de la crise de Serge Moati, diffusé en juin, Bernard Cazeneuve expliquait :

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Lorsqu'ils proposaient [la droite, ndlr] un amendement qui établit la déchéance de nationalité alors qu'elle existe déjà en droit français [pour les binationaux qui ont acquis la nationalité française au cours de leur vie, ndlr], [...] je ne le prends pas parce que la lutte contre le terrorisme, elle ne se fait pas contre la Constitution.

 

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Ou encore :

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On lutte contre le terrorisme pour faire en sorte que les libertés publiques, l'état de droit, soient protégés et préservés des atteintes des terroristes. Donc on combat le terrorisme avec les armes de la démocratie.

 

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Alors quoi ? Ce qui était inconstitutionnel hier ne le serait plus aujourd'hui ? Combat-on désormais le terrorisme avec des "armes" qui ne sont pas celles "de la démocratie" ? Gageons que l'exécutif balayerait ces interrogations en avançant que les "grandes valeurs", c'est bien joli, mais qu'il faudrait peut-être voir à ne pas oublier le "contexte". N'est-ce pas, Manuel Valls ?

Le premier flic de France revenait ici sur les débats qui avaient animé l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi contre le terrorisme. À cette occasion, en septembre 2014, le député LR Éric Ciotti disait à la tribune :

 

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Vous [le gouvernement, ndlr] serez contraints, face à la pression des événements, à revenir dans l'urgence et après que des drames se soient produits, pour adopter, comme nous le faisons aujourd'hui, les dispositions que l'opposition soutient et réclame.

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Que s'est-il passé entre temps ? Les attentats de janvier et novembre 2015. Faut-il alors voir dans la volonté d'étendre la déchéance de nationalité la "pression des événements", de "l'urgence" et des "drames" prophétisés par l'élu des Alpes-maritimes (qui est décidément très fort en matière de pronostics) ?

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