"L'anti-hollandisme" existe-t-il vraiment sur internet ?

Publié à 18h56, le 16 mai 2012 , Modifié à 22h27, le 16 mai 2012

"L'anti-hollandisme" existe-t-il vraiment sur internet ?
(Maxppp)

Pour qui va rouler le web, sous la présidence de François Hollande ? C'est la question que pose Samuel Laurent dans un article du Monde.

"

"L'antihollandisme succède à l'antisarkozysme", écrit le journaliste.

"

Niet, lui répond notre blogueur Romain Pigenel, qui a été l'un des membres actifs de la campagne internet de François Hollande.

"

"Pour que François Hollande déchaîne la même hostilité, en intensité et en étendue, il faudrait qu’il multiplie les mêmes faux-pas", assure-t-il.

"

On en profite également pour rediffuser ici un billet de notre blogueur, Guy Birenbaum qui, quatre petits jours après l'élection de François Hollande à l'Elysée, avertissait (et se réjouissait) :

"

"La présidence Hollande ne connaît(ra) aucun état de grâce sur le Web. Et c'est une très bonne nouvelle."

"
  1. Le web est-il d’opposition ?

    Dans un article du Monde daté du 17 mai au titre choc ("Sur le Web, l'antihollandisme succède à l'antisarkozysme "), Samuel Laurent ébauche un parallèle entre 2007 et 2012 :

    "Sur Internet, 'l'antihollandisme' démarre de manière fulgurante. Le terme n'est pas encore popularisé, mais il a une réalité tangible, en tous cas sur le Web. Depuis le 6 mai à 20 heures, une partie du Web politique français est entré en 'résistance', pour reprendre un terme souvent employé".

    Et le journaliste de décrire une "montée en puissance" du phénomène, qui pourrait bien, comme l’avait été l’antisarkozysme pour la gauche, devenir "un atout décisif" pour la droite dans le combat politique qui s’annonce.

    >> Le web est-il structurellement du côté de l’opposition ?

    La thèse est provocante, et rejoint une interrogation qui parcourt depuis quelques semaines la "gauchosphère" :

    Est-ce que sur le champ de bataille du web, la force n’est pas structurellement du côté de l’opposition et de la critique contre le pouvoir en place ?

    La domination généralement admise de la gauchosphère n’est-elle pas d’abord due au fait que celle-ci a eu la chance, si l’on peut dire, de se construire durant la longue privation de pouvoir (sur le plan national) des partis politiques de gauche, rassemblant de fait tous les mécontents et les déçus de dix ans de droite au sommet de l’Etat ?

    L’arrivée d’un président et, probablement, d’une Assemblée Nationale de gauche ne vont-elle pas précipiter la chute ou l’affaiblissement du web de gauche, pris à contre-pied et à contre-emploi ?

    >> Les boules puantes n’ont rien de nouveau

    Il faut d’abord relativiser l’émergence d’une "résistance" de droite. En vérité, les boules puantes et arguments qui circulent aujourd’hui, de même que leurs vecteurs (Jeunes Pop, UNI, blogosphère réactionnaire …) n’ont rien de nouveau et sont de vieilles connaissances de celles et ceux qui sont habitués aux bagarres du web politique.

    Ils correspondent simplement au maintien de l’activité de la force militante en ligne de la nébuleuse UMP, celle qui existait déjà en 2007 et qui s’est logiquement renforcée à l’épreuve de la dernière campagne.

    Les photos détournées pointant du doigt le supposé communautarisme de Martine Aubry, les insultes contre le nouveau président ("couille molle") font partie du bagage éprouvé d’une galaxie de blogueurs et de twittos qui, même au plus fort de la campagne présidentielle, n’ont malgré tout jamais pu rivaliser en nombre et en influence avec leurs "homologues" de gauche.

    Pourquoi auraient-ils rendu les armes au lendemain de la défaite ?

    >> Un anti-hollandisme suffisamment fédérateur pour dépasser la seule sphère partisane

    Reste l’hypothèse de fond : qu’à l’anti-sarkozysme « primaire », comme on dit à droite, succède un anti-hollandisme tout aussi violent et avec la même caractéristique – c’est-à-dire étant suffisamment fédérateur pour dépasser la seule sphère partisane, et faire pencher la majorité des internautes du côté du Hollande-bashing systématique.

    Avant mai 2012, un internaute pris au hasard avait d’assez bonnes chances d’être anti-sarkozyste. En sera-t-il de même contre Hollande dans quelques mois ?

    Je ne le pense pas. L’anti-sarkozysme n’était pas et n’est pas simplement un réflexe frondeur pavlovien contre l’autorité en place. Ses caractéristiques particulières sont liées à la personne même de Nicolas Sarkozy, et à sa propension à enfiler comme des perles les symboles désastreux.

    En mai 2007, la France n’était pas anti-sarkozyste. L’anti-sarkozysme est né de la lente accumulation, puis macération, d’actes politiques et d’épisodes scabreux : nuit du Fouquet’s ; vacances sur le yacht Bolloré ; bouclier fiscal ; réception bras ouverts des dictateurs ; EPAD ; discours de Grenoble …

    >> Une légende noire du sarkozysme

    Ce sont ces incidents à répétition, touchant aux fondements mêmes de l’identité républicaine (favoritisme outrancier envers les riches, népotisme, marginalisation des droits de l’Homme, xénophobie d’Etat …), qui ont progressivement imposé une légende noire du sarkozysme, dépassant le seul clivage gauche-droite.

    Pour les Français s’intéressant un minimum à l’actualité et à la politique, à ce clivage classique s’est substitué un autre clivage : tradition républicaine / pratique sarkozyste du pouvoir. Clivage nourrissant à son tour tous les excès que l’on a pu connaître dans l’anti-sarkozysme, les points Godwin se récoltant à la pelle.

    Pour que François Hollande déchaîne la même hostilité, en intensité et en étendue, il faudrait qu’il multiplie les mêmes faux-pas. Le "président normal" ne semble pas en prendre la voie. Si tel est bien le cas, "l’anti-hollandisme" risque de ne rester qu’une expression recouvrant des débats politiques traditionnels (gauche - droite, social-démocratie - gauche radicale), sans commune mesure avec ce que Nicolas Sarkozy a permis et suscité en son temps.

    >> A lire également sur le sujet, le billet de notre blogueur Guy Birenbaum : Pas d'état de grâce sur internet pour François Hollande.

  2. FAIL(les)

    François Hollande n'est pas encore président de la République et pourtant les dossiers s'accumulent.

    Non, rien à voir avec les dossiers à traiter...

    Je veux parler des dossiers embarrassants.

    Nous sommes en 2012 et depuis 2007, un siècle s'est écoulé.
    L'embellie des réseaux sociaux (Twitter, facebook), la frénésie des partages de contenus a des effets déjà réels sur ce quinquennat qui n'a pas encore commencé.

    Dès le soir de l'élection, première grosse polémique sur le moyen de transport - l'avion - utilisé par le nouvel élu pour rentrer de Brive à Paris.

    Pas de répit : sur les réseaux sociaux comme sur les sites d'information les nouveaux opposants comparent les faits et leur prix à la fête du Fouquet's. Des journalistes puis un député posent même la question officiellement.

    Depuis, chaque jour qui a passé (à peine quatre) a vu son lot de casseroles tintinnabuler suivant une logique implacable : des messages d'internautes - militants ou pas - sur les réseaux sociaux, des politiques de droite qui relaient, des journalistes qui s'en emparent, parfois sommés de le faire par des internautes qui les harcèlent sur les réseaux ou via les blogs et les sites qui les premiers traitent ces sujets (24heuresactu.com , Atlantico, Le Figaro...).

    C'est ainsi que, pour la première fois la nomination d'un premier ministre pourrait être contrariée par la remontée des tréfonds du Web d'une condamnation datant de 1997 ; d'abord partagée sur les réseaux sociaux puis relayée dans les médias, la peine de Jean-Marc Ayrault peut-elle lui faire rater la marche ? [A lire sur ce sujet: "Ayrault condamné en 1997: trajectoire d'une boule puante" ]

    L'appartement de Delphine Batho , déjà évoqué pendant la campagne électorale, peut-il l'empêcher d'être ministre ou devra-t-elle clarifier sa situation pour le devenir ?

    Climax hier avec le limogeage par RTL du journaliste Pierre Salviac, après un tweet consternant pour toutes ses consœurs et pour toutes les femmes, mettant d'abord en cause la compagne du futur président, Valérie Trierweiler.

    Valérie Trierweiler qui a beaucoup utilisé Twitter pendant la campagne et dont on voit déjà qu'elle sera particulièrement observée par les internautes comme par ses confrères.

    J'en oublie.

    Et ce n'est qu'un début.

    Des entrailles du Web surgiront quotidiennement des archives embarrassantes, des documents, des photos, des vidéos, obligeant le nouveau team présidentiel qui, ne l'oublions pas, a fait campagne sur la moralisation de la vie publique, à se forger des moyens de veille et d'alerte inédits.

    La présidence Hollande ne connaît(ra) aucun état de grâce sur le Web.

    Et c'est une très bonne nouvelle.

Du rab sur le Lab

PlusPlus