AU FOUR ET AU MOULIN - Benoît Thieulin, nommé, jeudi 17 janvier, par un décret de François Hollande , nouveau patron du Conseil national du numérique, est également un prestataire de service bénéficiant de contrats tant avec le gouvernement qu’avec des acteurs clefs du secteur numérique, ainsi que le rappelle La lettre A, dans son édition du lundi 21 janvier 2013.
Son agence web, La Netscouade, spécialisée dans le conseil en communication numérique et la construction de sites internet, est en effet titulaire de nombreux contrats avec le gouvernement ou des institutions publiques, le plus récent ayant été conclu, fin 2012, avec la ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
Comme le confirme au Lab le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem :
"La Netscouade nous a aidé à lancer un site internet, http://comite-femmes.gouv.fr/ , en novembre 2012, lors du comité interministériel aux Droits des femmes.
Ce site a été conçu, après un appel d'offres, pour un marché de moins de 15.000 euros.
"
Ce contrat, d’un montant très limité, mais qui, selon les informations du Lab, pourrait être suivi dans les semaines à venir, d’une nouvelle prestation de service auprès du service d’information du gouvernement liée à la refonte du site gouvernement.fr, pose une question : les membres du Conseil national du numérique peuvent-ils tout à la fois, ainsi que le leur a demandé la ministre déléguée notamment chargée du numérique, Fleur Pellerin, "bousculer" le gouvernement au CNNum quant à son approche du numérique, et lui vendre des prestations de service précisément liées aux dispositifs numériques, dans le monde du business ?
D’autant que les contrats publics ne sont pas les seuls en jeu : avec son agence, La Netscouade, Benoît Thieulin conseille également activement Google, l’un des acteurs majeurs du numérique, dont les activités sont au cœur des réflexions du CNNum.
Du coup, La Lettre A (lien payant), un brin dramatique, et sans citer la moindre source, s’interroge, en titre de son article, sur "le maillon faible" que constituerait Benoît Thieulin.
Contactés par Le Lab, les différents acteurs du dossier démentent fermement l’idée d’une quelconque gêne avec, toutefois, des petites évolutions dans les termes employés :
1) Chez Fleur Pellerin
Pas très bavard sur le sujet, l'entourage de Fleur Pellerin préfère renvoyer vers Benoît Thieulin. La ministre déléguée chargée de l'Économie numérique avait rappelé, vendredi, lors de l'installation du CNN
, que le critère de nomination des membres était celui de la compétence, s'en tenant strictement au texte du décret présidentiel.
Sollicité il y a quelques semaines sur le sujet après la diffusion de premiers échos de presse annonçant l’arrivée de Benoît Thieulin
, ce même entourage insistait pourtant sur le fait que la plupart des contrats gouvernementaux de La Netscouade avaient été conclus avec le précédent gouvernement.
2) Benoît Thieulin injoignable
Le principal intéressé, Benoît Thieulin, joue aux abonnés absents. Malgré les nombreux contacts engagés par Le Lab, il s’est révélé "indisponible".
3) Son numéro 2 nous rappelle à la place
C’est du coup le secrétaire général du Conseil national du numérique, Jean-Baptiste Soufron, ancien conseiller au cabinet de Fleur Pellerin
, qui rappelle Le Lab, "de la part de Benoît Thieulin", pour assurer que le CNNum planche actuellement sur la question.
Jean-Baptiste Soufron détaille les trois procédures que le Conseil consultatif compte mettre en place pour "travailler dans un véritable climat de transparence et de responsabilité" :
Étape 1 :
"Notre réglement intérieur sera examiné lors de la première réunion plénière le 1er février. Un règlement qui sera accompagné d'une charte éthique.
"
Deuxième étape :
"Ensuite, chacun des trente membres sera amené à faire une déclaration d'intérêts sur le modèle de celle soumise aux membres du gouvernement
"
Tertio :
"Enfin nous travaillons à une convention de transparence intégrale, ce que les américains appellent le "Full Disclosure" .
"
Ainsi, promet Jean-Baptiste Soufron, "pour chaque avis du CNNum, les membres qui auront statué devront préciser s'ils peuvent éventuellement être en conflits d'intérêts avec la consultation qu'ils ont rendu".
Les membres du gouvernement avaient signé, quelques jours après leur entrée au gouvernement, une "déclaration d’intérêts " qui reposait sur ce modèle :
Antoine Bayet et Paul Larrouturou