CALINOTHÉRAPIE - Ce n'étaient ni "les assises de l'entrepreunariat" , ni une prise de parole comparable à celle de Leipzig. Mais François Hollande confirme son changement de ton face au monde de l'entreprise en déclarant ce vendredi 14 juin que "l'avenir de la France, c'est d'abord l'avenir des entreprises".
Invité des 24 heures du bâtiment organisées par la Fédération française du bâtiment, le chef de l'État est arrivé au Palais des sports de Paris en compagnie de la ministre du Logement, Cécile Duflot, pour défendre la réforme contestée du statut de l'auto-entrepreneur et tenter de calmer les inquiétudes des entrepreneurs. Des inquiétudes aussi bien liées à la crise, qu'à sa personne.
Le Lab y était et se lance dans une liste des techniques présidentielles pour séduire une salle pas forcément venue pour l'applaudir :
>> LA CHARGE INITIALE
"Vous le savez encore mieux que nous, monsieur le Président, les campagnes électorales exacerbent les différences et donnent aux mots un poids inhabituel", lance en guise d'amuse-bouche le président de la Fédération.
Et Didier Ridoret de se faire encore plus clair :
Ce que nous avons entendu sur le profit, la libre entreprise ou "le monde de la finance" nous a fait craindre, un moment, de ne plus faire partie des acteurs fréquentables de l'économie.
Mais je sais que vous avez récemment parlé de "malentendu" entre vous et les entrepreneurs. Je sais aussi que votre discours aux Assises de l'Entrepreunariat a souligné avec des mots très différents le rôle juste et vrai que vous attribuez aux entreprises et à leurs dirigeants dans la réussite de la France.
Les drapeaux français et européens sont parfaitement repassés. Sa cravate est presque droite. Face à la salle comble, que l'on sent attentive, critique, mais pas hostile, François Hollande prend la parole entre cinq cubes décoratifs qui donnent l'impression de couler sur la scène. Et il sort très largement du discours écrit qu'il consulte par intermittence, sur son pupitre.
#JE SAIS
Si la petite demi-heure de discours présidentiel devait être résumée en deux mots, ils seraient "Je sais". François Hollande a voulu montrer qu'il connaissait par-fai-te-ment la situation du bâtiment, "un secteur comme tous les autres, mais peut-être plus que d'autres, qui souffre de la crise économique et depuis trop longtemps".
Pour cela, Lui, président utilise une astuce sémantique à trois reprise. Une anaphore : "je sais ce que représente le bâtiment". Sans compter les innombrables "je sais" qui ponctuent son discours.
#POINT POUSSIN
Après avoir évoqué son "chantier de simplification", le chef de l'État en vient au passage le plus attendu. Celui qui cherche à clore la polémique des "poussins", ces autoentrepreneurs protestant contre les pistes de réforme du statut de l’autoentreprise esquissées par Sylvia Pinel, le 23 mai.
Les consultations sont à présent terminées, François Hollande détaille comment il veut limiter ce régime :
Je vois ou j'entends un certain nombre de réclamations. Nous sommes dans un pays de liberté. Je souhaite qu'il n'y ait pas d'interdiction pour l'acte d'entreprendre. Et tout cela est préservé. Mais je ne veux pas qu'au nom de la libre concurrence, elle soit faussée. Et elle l'était. C'est pourquoi il y aura une limite. Et dans le temps. Et en matière de chiffre d'affaire.
Et le chef de l'État de livrer une petite généralité sur le difficile art du compromis :
Pour trouver une solution de cette nature, et la ministre y a veillé, ce n'est jamais simple. Quand on cherche le compromis, ou tout le monde est content, ou personne ne l'est. Mais regardez le progrès qui a été accompli.
#J'AI DEMANDÉ A MON COPAIN MICHEL
Avant le discours du chef de l'État, le président de la Fédération du bâtiment avait vigoureusement dénoncé une "concurrence déloyale venue par cars entiers venus du Nord, de l'Est et du Sud de l'Europe", des "ouvriers entassés à 6 ou 7 dans une baraque et mis à disposition sept jours sur sept, 70 heures par semaine"
"Vous avez, par des paroles imagées mais fortes, décrit ce qu'il se passe" répond le chef de l'État en indiquant avoir demandé au ministre du Travail, son ami Michel Sapin, de "multiplier les contrôles, y compris le dimanche".
Murmures d'approbations dans la salle.
#JE
Le chef de l'État déroule tout au long de son discours l'action du ministère de Cécile Duflot, et lui lance, au détour d'une phrase, un compliment : "la ministre du Logement, là encore, a été claire".
#J'AI DES (PETITES) MESURES (COMPLIQUÉES) A ANNONCER
Unique passage de son allocution où François Hollande est interrompu par quelques applaudissements, quand il annonce la baisse du taux de TVA à 5% au 1er janvier 2014 pour les travaux de renovation de logement sociaux ainsi qu'un "cadre fiscal", c'est à dire une baisse de 19,6% à 10% de la TVA appliquée sur l'investissement institutionnel dans les logements intermédiaires, dans l'espoir de relancer la construction de ce type d'habitations. Un discours très technique on a dit.
#JE PENSE A VOUS DEPUIS MON PREMIER JOUR
Autre astuce présidentielle pour se mettre l'assistance dans la poche, leur assurer qu'il pense à eux. Et même depuis le premier jour. La preuve ? François Hollande indique que la cession des terrains publics aux bailleurs sociaux et collectivités locales fut "la première mesure de mon premier conseil des ministres".
#JE SUIS AU TAQUET
"J'ai indiqué que je suivrais terrain par terrain la situation, s'il le fallait" ajoute le chef de l'État concernant la laborieuse cession de ces terrains en précisant que "1.000 ont été identifié".
#JE VOUS AIME...
Le président de la République vient témoigner son estime à la fédération du bâtiment. Notamment ceux qui rénovent les constructions :
Je rends hommage à la qualité de ces interventions qui améliorent le cadre de vie, qui réparent des dégradations, qui réduisent la facture de chauffage.
Ou encore :
Quand on voit des grues, quand on voit un certain nombre d'immeubles qui se lèvent, quand on voit des échaffaudages dans une ville, chacun sait à ce moment là que l'économie reprend et que l'activité repart. Vous êtes un indicateur. Et donc en agissant d'abord pour le bâtiment on agit pour l'ensemble de l'économie.
#...MAIS JE NE VOUS DEMANDE PAS DE M'AIMER
Pour autant, le chef de l'État assure ne pas attendre d'être apprécié en retour :
Il faut donner confiance. C'est le message que vous m'avez lancé. Confiance, non pas dans ceux qui dirigent, je ne vous en demande pas tant. Non, confiance dans ce que vous êtes, vous.
#JE DIGERE L'ATTAQUE DU MONSIEUR EN COLERE
Vieille technique des arts martiaux également utilisée en politique et particulièrement peaufinée par François Hollande pendant la primaire socialiste : absorber la force d'une attaque, la digérer pour l'amener sur son terrain.
Ainsi, pour clore son discours, le chef de l'État répond en ces termes aux reproches du président de la Fédération du bâtiment sur ses propos de campagne:
Monsieur le président, vous avez dit, et vous avez raison, l'avenir de la France, c'est d'abord l'avenir des entreprises. Il n'y a pas de possibilité d'un destin commun s'il n'y a pas de production, s'il n'y a pas d'activité. Ensuite, il y a le débat sur la répartition, sur l'organisation d'une société, sur ce qui doit être accepté ou pas accepté. Mais d'abord, il faut produire. Je dirais même d'avantage, il faut bâtir. Il faut construire. Et c'est mieux de construire ensemble.
Une intervention à revoir intégralement ci-dessous :
Fin du discours, le président reçoit une standing ovation. Mais seulement des premiers rangs. Il quitte la scène pour un rendez-vous, à l'Elysée, avec les représentants du Medef et de l'Afep pour valider le nouveau code de gouvernance des grandes entreprises.
Interrogé par Le Lab à la sortie, Didier Ridoret récapitulait les mesures de "ce discours [présidentiel] certes un peu compliqué à comprendre" mais semblait satisfait d'avoir entendu dans la bouche de François Hollande "dans le ton et sur le fond, un message de confiance aux entrepreneurs".
[Point Agenda] La prochaine déclaration d'amour socialiste au patrons est prévue ce mardi 18 juin. Huit ministres et le président du Sénat sont annoncés avec le premier ministre Jean-Marc Ayrault à la rencontre des dirigeants des très petites et moyennes entreprises.