Les trois hypothèses de la saillie de Valls à l'Assemblée sur le "retour du terrorisme"

Publié à 11h54, le 14 novembre 2012 , Modifié à 12h42, le 14 novembre 2012

Les trois hypothèses de la saillie de Valls à l'Assemblée sur le "retour du terrorisme"
Manuel Valls à l'Assemblée nationale, le 13 novembre 2012. (Maxppp)

Mardi 13 novembre, Manuel Valls a provoqué un incident puis une levée de séance à l’Assemblée nationale. Une saillie peut-être pas aussi spontanée que ça. Le Lab passe en revue les hypothèses sur l’origine de l’esclandre.  

> Hypothèse n°1  La version officielle : l’Assemblée, ce chaudron

A la polémique qui a suivi son intervention dans l’hémicycle, au cours des questions au gouvernement, lors de laquelle il a accusé la droite d’être responsable du "retour du terrorisme", Manuel Valls a répondu par des regrets. Et non par des excuses sur cet incident de séance pour lequel François Hollande l’a rappelé à l’ordreà l’occasion de sa grande conférence de presse. 

Le ministre de l’Intérieur s’est ainsi justifié, mercredi 14 novembre sur BFM TV, en pointant du doigt l’atmosphère tumultueuse qui règne dans cette séance hebdomadaire à l’Assemblée nationale. Une justification qui fait figure de position officielle, jusque dans l’entourage de François Hollande, quant à ce "dérapage" dénoncé par l’opposition : 

"- La droite est-elle responsable du retour du terrorisme ?

- Non, bien sûr. (...) Dans le chaudron de l'Assemblée nationale on peut être emporté par le verbe, et je le regrette.

> Hypothèse n°2 – Détourner l’attention sur les chiffres de la délinquance

Le 13 novembre au matin, Le Figaro publie un article alarmant sur les statistiques de la délinquance pour le mois d’octobre : "Les données incontestables auxquelles Le Figaro a eu accès sont catastrophiques. Tout se dégrade en matière de crimes et délits". Et de citer une augmentation des faits de violence, des atteintes aux biens, des cambriolages et des infractions économiques et financières.

Malgré toute les précautions nécessaires pour lire ces données – l’outil statistique étant connu pour sa très relative cohérence et devant être réformé  – les résultats du mois d’octobre permettent à l’opposition de dénoncer des "chiffres historiquement mauvais".

C’est dans ce contexte de coup de projecteur sur la délinquance que Manuel Valls fait sa sortie sur le terrorisme. Résultat ? La focale se recentre sur sa déclaration fracassante. L’opposition demande excuse et démission du ministre et parle moins statistiques. François Hollande lors de sa grande conférence de presse n’est pas interrogé une seule fois sur le sujet mais bien sur les propos du ministre de l’Intérieur.

Enfin, invité de BFMTV et RMC ce 14 novembre, Manuel Valls lui-même est appelé à s’étendre longuement sur sa saillie puis sur le problème du terrorisme, avant d’être interrogé, en fin d’émission seulement, sur la hausse statistique de la délinquance.

> Hypothèse n°3  S’affirmer de gauche

Comparé à Sarkozy, soutenu par Serge Dassault et le Figaro, rencontres avec François Baroin, Charles Pasqua ou encore Brice Hortefeux... Jusqu’aux appels de l’UMP à sa démission, Manuel Valls était le chouchou de la droite parmi les ministres du gouvernement Ayrault qui voyait en lui "un socialiste de droite".

Des fleurs pas vraiment du meilleur effet pour le ministre de l’Intérieur, premier ministrable en puissance et régulièrement raillé et critiqué par la gauche du PS, notamment lorsqu’il remet en question les 35 heures ou en appelle à la TVA sociale.

Mais en quelques minutes, mardi 13 novembre, la donne a changé, la droite demandé sa démission et crié au scandale suite à sa sortie polémique sur le "retour du terrorisme". Une stratégie clivante qui lui permet de se replacer comme un homme de gauche qui bataille contre la droite et l’UMP. Une stratégie qui lui permet de regagner son brevet de socialisme et de s’affranchir un peu de son image de représentant de "l’aile droite du PS".

Dans les années 1997-1998, Lionel Jospin, alors Premier ministre et parfois accusé de mener une politique libérale, avait opté pour une tactique similaire à l’Assemblée nationale, adoptant un ton offensif qui avait conduit à plusieurs incidents de séances. Et notamment lors des questions au gouvernement qui étaient pour lui une occasion de cliver et de s’affirmer en homme de gauche.  

Or, entre 1997 et 2002, Manuel Valls était chargé de la communication et de la presse au cabinet de… Lionel Jospin.  

Par Delphine Legouté et Sébastien Tronche

 

Du rab sur le Lab

PlusPlus