REPORTAGE - Elle regarde les montagnes suisses encore partiellement enneigées dans le train qui file vers Genève puis revient aux quatre pages du texte de ses "élements de discours" dans son dossier jaune. Mais il ne faut surtout pas dire que Valérie Trierweiler va faire un discours à l'ONU. "Un discours, je ne sais pas faire", jure l'ambassadrice de France-Libertés au Lab.
La compagne du chef de l'Etat était donc jeudi 30 mai au siège européen de l'ONU, à l'occasion de la 23ème session du Conseil des Droits de l'homme, pour une "simple intervention" visant à sensibliser la communauté internationale aux centaines de milliers de viols en République Démocratique du Congo (RDC).
>> Le Lab a accompagné Valérie Trierweiler lors de cette journée : récit.
Installée avec ses deux gardes du corps, Patrice Biancone, son chef de cabinet, Emmanuel Poilâne, directeur de la fondation Danielle-Mitterrand-France-Libertés et le professeur Bernard Creze, Valérie Trierweiler indique que le projet a débuté cinq mois avant. Sur les réseaux sociaux.
"Je suis rentrée en relation avec le professeur via Twitter", signale la première dame au Lab. Le gynécologue-obstétricien précise l'avoir apostrophée, le 5 janvier , en lui laissant son adresse mail et avoir "immédiatement reçu un courriel". Avant de partir, quelques semaines plus tard, pour le Congo . Et de l'accompagner à Genève pour partager les horreurs qu'il y a vues.
Des horreurs déjà décrites dans une tribune publiée le 25 décembre dans Le Monde intitulée "Au Kivu, on viole et on massacre dans le silence ". La chroniqueuse littéraire la fait relire à ses voisins de train, se félicite que Erik Orsenna l'ait écrite, raconte comment elle a récolté la signature de Jacques Chirac "via Claude Chirac", énumère fièrement les autres signataires - Robert Badinter, Yamina Benguigui, Abdou Diou ou encore Muhammad Ali - et lance, catégorique, "si on avait eu plus de temps, on en aurait eu beaucoup plus".
Mais pendant que Valérie Trierweiler plaisante - "J'ai hérité du don du président qui est de faire pleuvoir" - les hommes chargés de la protéger sont sur les dents. Ils se lèvent fièvreusement à chaque arrêt en gare, craignant une nouvelle confrontation avec les opposants au mariage homosexuel.
Les policiers s'enquièrent même auprès du Lab :
"Merci de ne pas tweeter que nous sommes gare de Bellegarde, sinon ils vont pouvoir deviner l'heure d'arrivée du train.
"
Mais arrivés à la gare de Genève, pas un T-shirt "manif pour tous" en vue. Direction le palais des Nations.
La salle juste avant son arrivée. (MaxPPP)
Valérie Trierweiler au siège européen de l'ONU, jeudi 30 mai. (Le Lab)
Début de la 23ème Session du Conseil des Droits de l'Homme, co-organisée par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme(FIDH). L'ambassadrice de France-Libertés pose devant la dizaine de photographes. Son chef de cabinet s'installe derrière elle et tweete une photo de sa rencontre, en arrivant, quelques minutes plus tôt, avec la Haut-Commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme.
"Je voudrais d'abord dire combien je suis fière et heureuse d'être avec vous", commence d'une toute petite voix stressée la Première dame venue demander le vote d'une résolution "pour mettre fin à l'impunité" devant une cinquantaine de délégations internationales. Dont "un nombre impressionnant d'ambassadeurs qui ne seraient pas venus sans elle", selon l'appréciation de la FIDH.
Valérie Trierweiler poursuit en rappellant son voyage en RDC , en octobre 2012, et les mots de François Hollande : "Le corps des femmes est le nouveau champ de bataille des groupes et des forces armées.""Il s'agit de détruire leur appareil génital", précise-t-elle.
Quelques minutes plus tard, illustration dans une vidéo volontairement choquante. L'horreur. Des images insoutenables de vagins perforés par des bâtons et des témoignages sur des viols de femmes et d'enfants. Certains âgés de trois ans. La salle grimace. Le jeune représentant de Grande Bretagne devient blême. Chacun adopte une stratégie pour détourner les yeux.
L'ancienne présentatrice de Direct 8 distribue ensuite la parole à ceux assis à ses côtés puis aux différentes délégations. Celle de la Répubique Démocratique du Congo , assise au premier rang. La Belgique, l'ancienne puissance coloniale. Le Canada - "merci madame la présidente, merci de votre leadership" et la mission permanente de la France à Genève.
Carambolage visuel étonnant. Alors que la salle évoque horrifiée les fistules , ces séquelles du viol, un projecteur diffuse une sélection automatique de tweets mentionnant @valtrier. Et l'on peut donc voir des tweets sarcastiques de la "manif pour tous" se moquant de "Pépère et la @Valtrier" défilant juste derrière la tête de Valérie Trierweiler pendant qu'elle s'exprime sur l'inextricable conflit congolais.
Fin de "l'évènement parallèle". Après un conciliabule avec trois ambassadeurs, la petite délégation française traverse l'immense palais des Nations. Valérie Trierweier est attendue pour l'enregistrement d'une interview diffusée en début de soirée sur la radio télévison Suisse.
Dernier rendez-vous avant de reprendre la route, une conférence de presse devant une quinzaine de journalistes. Outre les médias français, la presse suisse et plusieurs médias internationaux entendent Valérie Trierweiler répéter les mots de son compagnon - qu'elle appelle toujours très formellement "le président de la République" - et ajouter :
"Je crois qu'en commençant avec la RDC, on montrera l'exemple à toute la planète. [...] Ce sont des femmes qui sont violées, dont on détruit l'appareil génital, pour qu'elles ne puissent pas se reproduire. Cela s'appelle un génocide.
"
Interrogée sur son rôle, l'ambassadrice de France-Libertés qui annonce une visite "prochainement"à l'hôpital de Panzi, en RDC - fondé par le docteur Denis Mukwégé - avec Yamina Benguigui et préconise la nomination d’un "expert indépendant", répond :
"Si ma petite voix peut apporter quelque chose... [...] Je n'arriverai pas à moi seule à mettre fin à ce conflit qui dure depuis 20 ans. Il faut le relayer. Je suis là pour être le porte-parole des femmes que nous n'entendons pas.
"
"Si ma petite voix peut apporter quelque chose" au Nord-Kivu. @valtrier à Genève devant une 15aine de journ... vine.co/v/bYwZMq90QuW
— Paul Larrouturou (@PaulLarrouturou) 30 mai 2013
"Ils sont timides les journalistes français", remarque, pour finir, un journaliste congolais qui a posé de nombreuses questions. Réponse de @Valtrier : "ça me va".
Quelques minutes plus tard, les policiers suisses ouvrent le convoi de voitures qui ramène Valérie Trierweiler à la gare de Genève. Et les policiers suisses sont fâchés avec les feux rouges.
Alors que l'ambassadeur disparaît à l'horizon, petit point sur le quai de la gare, dans le train du retour, les gardes du corps sont beaucoup plus zen qu'à l'aller. Leur patronne n'a pas été confrontée directement à la poignée d'opposants au mariage homosexuel qui espéraient la rencontrer. Ils lui ont fait remettre une lettre. "Vous pouvez tweeter qu'on arrive bientôt à Bellegarde si vous voulez", s'amusent-ils.
Mais c'est Valérie Trierweiler qui dégaine l'un de ses deux iPhones et tweete pour ses 235.000 abonnés la vidéo de sensibilisation de France Libertées projetée plus tôt :
Pour briser le silence du drame des femmes violées en RDC, intervention devant le CDH à l'ONU et vidéoyoutube.com/watch?v=Gj5J5J…
— Valerie Trierweiler (@valtrier) 30 mai 2013