François Fillon en a pris l'engagement : lui président de la République, il n'y aura pas de ministres mis en examen dans son gouvernement. Il s'en est expliqué lors du débat d'entre-deux-tours de la primaire de la droite face à Alain Juppé, jeudi 24 novembre, en expliquant que le principe fondamental de la présomption d'innocence ne pouvait pas vraiment s'appliquer aux hommes politiques en responsabilité. Pas en matière judiciaire évidemment, mais bien du point de vue des conséquences politiques de potentielles "affaires".
Dans une référence à son désormais célèbre "qui imagine le Général de Gaulle mis en examen ?", il a d'abord affirmé : "On ne peut pas diriger la France si on n'est pas irréprochable. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire, ça avait créé quelques émois parmi certains dans la classe politique. C'est pourtant une évidence. Ça veut dire que les ministres, le président de la République a fortiori, ne doivent pas être mis en examen, doivent avoir une attitude exemplaire, irréprochable."
Et d'expliciter son raisonnement :
"Je sais que c'est pas juste, je sais qu'il y aura toujours des gens pour m'expliquer qu'il y a la présomption d'innocence, mais l'expérience qui a été la mienne, dans plusieurs gouvernements et dans celui que j'ai dirigé, me fait dire qu'on ne peut pas diriger sereinement un ministère quand on a sur le dos une suspicion qui a entraîné une instruction judiciaire. On est des hommes politiques, on n'est pas des citoyens comme les autres. Les citoyens comme les autres, ils ont le droit à la présomption d'innocence. Les hommes politiques, ils ont comme responsabilité de montrer le chemin, de faire prendre les décisions difficiles.
"
On notera au passage la gentille référence au quinquennat Sarkozy, durant lequel les secrétaires d'État Alain Joyandet et Christian Blanc avait été débarqués de force pour des affaires auxquelles ils étaient liés. Toute cette explication peut d'ailleurs être vue comme une attaque en règle du point de vue de l'ancien chef de l'État à ce sujet.
Lui qui, en tant que chef de l'État, avait donc appliqué cette règle non-écrite de la Vème République que l'on nomme "jurisprudence Balladur", défendait strictement l'inverse en tant que candidat à la primaire de la droite. Sur France 2 au mois de septembre, celui qui a depuis été éliminé au premier tour avait annoncé qu'il ne forcerait pas un ministre mis en examen à démissionner, au nom justement de la présomption d'innocence :
"Je crois beaucoup à l'État de droit comme vous et à la présomption d'innocence. [...] L'innocence, le respect de la présomption d'innocence, ça compte.
"
Ça compte, mais pas suffisamment pour rester au gouvernement, répond en substance François Fillon.
[BONUS TRACK]
Alain Juppé s'est visiblement senti visé par cette prise de position de son adversaire. Prenant la parole immédiatement après ce développement, le maire de Bordeaux, sur la défensive, a tenu à dire ce qui suit :
"Quand on pose cette question, je comprends bien ce qu'on a en tête, c'est que j'ai été condamné.
"
Ce n'était pourtant pas du tout le cas, ce qu'ont tenté de lui faire remarquer sans succès ses interlocuteurs... "Alain Juppé sait parfaitement que je ne parlais pas de lui", a d'ailleurs précisé François Fillon.
Ou comment rappeler soi-même son passé judiciaire alors que personne n'y faisait référence. *Bien joué*.