Manuel Valls invoque le "sein nu" de Marianne pour s'opposer au voile (et se fait fact-checker par une historienne)

Publié à 07h12, le 30 août 2016 , Modifié à 10h18, le 30 août 2016

Manuel Valls invoque le "sein nu" de Marianne pour s'opposer au voile (et se fait fact-checker par une historienne)
Le Premier ministre Manuel Valls lors du meeting gouvernemental à Colomier, lundi 29 août 2016 © PASCAL PAVANI / AFP

Le voile islamique, tout comme le burkini, ne rentrent pas dans la vision que se fait Manuel Valls de la République. Le Premier ministre a déjà eu l'occasion de le dire : ces deux vêtements, au même titre que la burqa, sont selon lui "des signes de revendication d'un islamisme politique" qui visent à "faire reculer la République". Et tant pis si, jusqu'à nouvel ordre et comme s'en étranglent une partie de la droite et le Front national, les porter dans l'espace public est tout à fait légal.

Le Premier ministre est de longue date engagé sur ce terrain. Bien avant d'entrer à Matignon, il avait ainsi été l'un des rares députés socialistes à voter la loi sur l'interdiction de la burqa. Aujourd'hui quelque peu esseulé au sein du gouvernement sur la question du burkini, Manuel Valls a tenté de reprendre la main dans ce débat, lors d'un meeting de la majorité à Colomiers, lundi 29 août. "Sur la place des femmes, nous ne pouvons transiger", a-t-il martelé avant de se faire lyrique :

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Marianne, le symbole de la République, elle a le sein nu, parce qu'elle nourrit le peuple. Elle n'est pas voilée, parce qu'elle est libre. C'est ça, la République !

 

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Une saillie destinée à appuyer sa dénonciation d'un "nouveau totalitarisme", le "totalitarisme islamiste" qu'il faut "combattre et abattre". Une manière, aussi, d'investir encore un peu plus ce thème de la République dans le combat politique actuel et à venir, dans la lignée d'un François Hollande selon qui 2017 se jouera "sur la France et la démocratie", face à "la tentation autoritaire" à droite et à l'extrême droite. 

Chaudement applaudi sur place, le Premier ministre a en revanche rapidement été repris de volée sur les internets. Par Cécile Duflot d'abord, qui est l'une de ses plus farouches opposantes sur la scène politique. Candidate à la primaire EELV, l'ancienne ministre a tenu à partager plusieurs photos représentant des Marianne modernes et diverses, provenant "d'une exposition inaugurée par Jean-Louis Debré" du temps où ce dernier était président de l'Assemblée nationale, soulignant que souvent, cette allégorie de la République est représentée coiffée d'un bonnet phrygien :

Sur BFMTV ce mardi, Jean-Luc Mélenchon a pour sa part estimé qu'"il n’y a pas besoin d’être nue et en cheveux pour représenter Marianne". Et d'ajouter : "Je m’en voudrais que l’on enseigne cette idée que l’on est libre parce qu’on est nu. Libre de quoi ? Mais est-on libre de sa décision, que l’on soit nu ou grillagé ?"

Surtout, l'historienne Mathilde Larrère, enseignante à l'université Paris-Est et spécialiste "des révolutions et de la citoyenneté", s'est fendue de nombreux tweets contredisant la présentation de Marianne faite par Manuel Valls. Se revendiquant proche de Nuit debout, l'universitaire appuyait sur les divers attributs de Marianne (sein nu, bonnet phrygien, faisceau d'armes, posture assise ou debout, etc) qui changent selon que la représentation voulue est "révolutionnaire" ou plutôt "sage" :

D'ailleurs, la Marianne qui occupe aujourd'hui encore le sommet du Monument à la République, sur la place de... la République à Paris, n'est nullement "sein nu" mais vêtue d'une toge, d'un bonnet phrygien, armée d'une épée et munie d'un rameau d'olivier :



De manière générale, il existe de très nombreuses représentations de Marianne. Ses bustes ornent les bâtiments officiels comme les mairies, l'Assemblée nationale ou le Sénat ; les timbres ou documents gouvernementaux sont frappés de son profil. 

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