Christian Jacob : "Christiane Taubira n'existe que dans le clash"

Publié à 12h28, le 23 mars 2013 , Modifié à 19h28, le 25 mars 2013

Christian Jacob : "Christiane Taubira n'existe que dans le clash"
Christian Jacob. (Maxppp)

ENTRETIEN – Réélu président du groupe UMP en juin dernier, Christian Jacob est le patron de l’opposition parlementaire à l’Assemblée nationale. Ce fidèle de Jean-François Copé nous a reçus, le 13 mars, et pendant une heure dans son bureau du Palais Bourbon.

A froid, ce chiraquien, ancien ministre de la Famille (2002-2004) et de la Fonction publique (2005-2007), est revenu sur les débats passionnés sur le mariage homosexuel face à Christiane Taubira, envers qui il se montre très critique, ainsi que sur le réapprentissage de l’opposition pour l’UMP et le parlementarisme à l’heure du numérique.

Le député de la 4e circonscription de Seine-et-Marne prend également une position originale sur les lobbys. "J’ai toujours été favorable, et je suis minoritaire dans mon groupe là-dessus, à ce que le travail en commission soit ouvert à la presse et ouvert aux lobbys", confie-t-il.

 

  1. "Le mariage homo ? Le combat continue"

    "

    Taubira n'a pas été à la hauteur

    "

    Quel bilan faites-vous des débats sur le mariage homosexuel ?

    Je pense que l’on a eu un débat intéressant en ce sens où il a obligé le gouvernement à se dévoiler sur un certain nombre de sujets. Au départ, il pensait faire passer son projet dans un consensus général considérant que si l’on était opposé au mariage, on était obligatoirement homophobe. 

    Or, grâce à la manière dont on a construit le débat et organisé l’opposition, on a fait sortir des sujets de fond : la reconnaissance implicite de la GPA, conséquence de la circulaire Taubira, l’autorisation de la PMA pour convenances personnelles. Une partie de la majorité y est favorable pour convenances personnelles ; nous y sommes favorables pour des raisons de santé, lorsqu’il y a un problème de stérilité.

    (Maxppp)

    On a fait faire marche arrière le gouvernement sur la PMA, qui a reculé sur ce sujet, pour le reporter aux calendes grecques. Ensuite, on a montré les incohérences juridiques et rédactionnelles du texte : imbroglio sur le nom patronymique, risque de condamnation pénale des couples homos étrangers dans leur pays d’origine, l’inapplication de certains articles du code civil… 

    >> A lire : Les séquences les plus LOL des débats 

    >> A lire : Les résultats du vote sur le mariage homo 

    Que retenez-vous finalement de ces débats ?

    Un texte mal écrit et mal ficelé. Je considère que Mme Taubira n’a absolument pas été la hauteur de ce qu’on peut attendre d’un garde des Sceaux dans un débat comme celui-là. 

    On n’attend pas d’un garde des Sceaux qu’il vienne déclamer des poèmes. On attend qu’il fasse du droit, qu’il réponde en droit. Ce que n’a pas fait Mme Taubira qui, bien souvent incapable de répondre sur le fond, était dans la provocation et dans l’outrance en permanence.

    (Maxppp)

    C’était une bataille parlementaire âpre. Mais n’avez-vous pas peur de l’image donnée par l’obstruction ?

    Sur l’obstruction, pour relativiser les choses, on a déposé 5000 amendements environ. Sur un texte sur l’énergie, le PS en avait déposé 130 000. Il faut comparer ce qui est comparable.

    Aucun de nos amendements n’était des amendements ridicules ou stupides. Ils avaient tous, sans exception, un vrai fondement.

    >> A lire : La bataille des amendements

    Comment ont été choisis les orateurs de votre groupe qui se sont mis en avant, comme Philippe Gosselin ou Hervé Mariton ?

    J’ai fait comme pour tous les textes. Je désigne un orateur sur le fondement de ses compétences. Nous avons pris deux orateurs principaux, s’agissant d’un texte lourd avec beaucoup d’amendements.

    >> A lire : et l’Assemblée vota à l’unanimité un amendement Mariton

    Vous réfutez le qualificatif d’obstruction mais, par moments, un député comme Marc Le Fur semblait vouloir "faire durer" le débat ?

    Cela fait partie du  jeu car cela oblige, et c’est pour cela que je ne suis pas d’accord sur le terme d’obstruction, le gouvernement à se dévoiler. Si on avait déposé dix fois moins d’amendements, sans doute ne se serait-il pas dévoilé comme il a du le faire sur la GPA ou sur la PMA. Il faut du temps pour mettre le gouvernement dans les cordes et pousser les ministres à répondre.

    Plusieurs députés ont salué votre travail en tant que président de groupe de l’opposition sur ce sujet, votre assiduité… Ce texte vous a-t-il permis de vous imposer ?

    S’imposer ? Je ne pense pas qu’il s’agissait de s’imposer. J’ai été réélu en juin président de groupe avec 60% au premier tour . J’ai tout simplement fait mon travail avec conviction et détermination.

    Mais par rapport au grand public ?

    Comme pour tous les textes un peu longs et passionnels – et les sujets de société sont toujours plus passionnels que les sujets éco par nature - le rôle du président de groupe est plus important et plus déterminant : pour éviter les excès, entretenir la mobilisation. Le rôle est évidemment plus important que sur d’autres textes.

    (Maxppp)

    Le rôle du président, c’est de défendre les droits de l’opposition, et ne pas accepter de se faire mettre dans les cordes par des propos démagos ou des outrances ministérielles. Mme Taubira, par exemple, n’existe que dans le clash. Je ne suis pas du tout impressionné par elle. Il y a d’autres ministres, avec qui je suis en opposition, mais dont je reconnais la compétence ou la qualité. Ce que je ne reconnais pas à Mme Taubira.

    Qui par exemple ?

    Objectivement, quelqu’un comme Jean-Yves Le Drian assure. Ce ministre de la Défense fait le job, et le fait bien. Il est attentif. Toutes les semaines, il vient rendre compte à la commission de la défense sur le Mali.

    (Maxppp)

    Comment avez-vous jugé Claude Bartolone pour son "baptême du feu" sur ce texte ?

    J’apprécie plutôt la manière dont il a conduit les débats. Il les a présidés -on n’est jamais totalement impartial- avec l’impartialité qui convient au président. Il n’y a pas de critiques à faire sur la manière dont il préside les débats et plus globalement sur la manière dont il préside l’Assemblée.

    Etait-ce le candidat socialiste au Perchoir qui vous plaisait le plus ?

    Indiscutablement. Il faut d’abord faire consensus dans son groupe. Jean Glavany était l’incarnation du sectarisme. Quant à Ségolène Royal, Olivier Falorni a résolu le problème (rires).

    (Maxppp)

    Comment envisagez-vous le retour de la loi Taubira à l’Assemblée ?

    Le débat va reprendre. Il n’est pas question de lâcher. C’est toujours différent en deuxième lecture car certains articles seront votés conformes. Nous attendons le texte issu du Sénat. Le débat ne sera forcément pas de même nature. Le combat continue. 

    "

    On ne perd pas par hasard. On perd parce qu’on n’est pas bon. 

    "

    Qu’est-ce qui change quand on repasse dans l’opposition ?

    On travaille différemment. Dans la majorité, on est en initiative c’est-à-dire qu’on a des débats internes avec le gouvernement, qu’on travaille les textes en amont. On essaye d’influer sur l’écriture du texte. En revanche dans l’opposition, on a d’abord un travail de réaction, d’opposition et d’alerte pour l’opinion publique.

    A-t-on moins de responsabilités ?

    Non, parce que c’est une période qu’il faut savoir utiliser. Le lendemain de la défaite, en politique, c’est le premier jour de la reconquête. Il faut reconstruire. Voilà pourquoi au groupe UMP, j’ai lancé plusieurs groupes de travail sur du long terme : un sur l’assurance chômage, un sur les retraites, un sur le marché du travail ou encore sur l’enseignement supérieur.

    Vous avez aussi plus de temps pour la réflexion ?

    Oui, et il faut le faire. Il faut utiliser le temps de l’opposition pour cela. On a d’avantage le nez dans le guidon dans la majorité. On a aussi plus de recul pour préparer l’alternance.

    (Maxppp)

    C’est plus "facile" ?

    A condition d’être élu déjà. C’est la période où on doit être capable de se remettre en cause. On ne perd pas par hasard. On perd parce qu’on n’est pas bon. Il faut bien préparer le retour aux affaires et ce n’est pas la chose la plus aisée.

    Pourquoi est-il aussi difficile de trouver des consensus entre la majorité et l’opposition ?

    Le peuple français est un peuple révolutionnaire avec une culture de l’affrontement et de la grève, qui n’existe pas dans d’autres pays. Et une tradition syndicale et politique qui est moins consensuelle qu’en Allemagne ou dans les pays nordiques. Nous sommes plus latins, de ce point de vue, qu’anglo-saxons.

    Que pensez-vous du concept de "discipline de groupe" ?

    Je suis très attaché à la liberté de vote. Ce qui n’empêche pas de définir une position de groupe. Jamais je ne menacerai, comme le font les socialistes, un député. On recherche le compromis pour établir une majorité la plus large possible en acceptant des divergences. Le mandat impératif n’est pas dans ma culture politique.

    >> A lire : Ces députés qui votent contre la position de leur parti 

    Quel bilan tirez-vous de la réforme constitutionnelle de 2008 vu de l'opposition ? 

    La réforme de 2008 a été une bonne réforme sur le fonctionnement du Parlement. Elle mérite surement d’être corrigée parce qu’il faut toujours y revenir. Le fait le plus marquant, c’est que le texte en séance publique est le texte issu de la commission, et non plus le texte du gouvernement. Cela donne un vrai pouvoir, dans la majorité comme dans l’opposition, aux parlementaires pour modifier un texte. Le Gouvernement est moins souverain.

    La semaine de contrôle est également une avancée importante pour le Parlement. J’ai le sentiment que les ministres actuels, parce que certains sont inexpérimentés, ont un certain mépris du Parlement. Ce qui suscite une réaction assez frontale. 

    Comment avez-vous vécu  la création d’un groupe dissident, le R-UMP ?

    Comme une prise d’otage du législateur et des institutions. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas à reproduire. 95% des députés ont été ravis de se retrouver. Le souci était à un autre niveau. Sur le plan humain et technique, c’était compliqué ; sur le plan institutionnel, c’était incohérent et dangereux. Les Groupes ont un rôle reconnu par la Constitution et le règlement de l’Assemblée. Il ne faut pas leur faire endosser un rôle qui n’est pas le leur. 

    (Maxppp)

    "

    Etre parlementaire ? Plus subtil qu’une série de statistiques.

    "

    Un groupe de travail sur le fonctionnement de l’Assemblée a été lancé. La question des réseaux sociaux doit être abordée. Faut-il les réglementer ?

    Je pense qu’il ne faut pas le réglementer. On n’y arrivera pas et on sera toujours en retard d’une guerre là-dessus. En revanche, et je pense que les quelques couacs récents sont intéressants et instructifs. Il faut en appeler à la responsabilité. Quand on est député -les "jeunes" l’ont appris à leurs dépends- on est en représentation, on exerce une fonction qui oblige à avoir un peu de retenue. Je leur conseille d’être moins instinctifs.

    En revanche, je suis contre une restriction qui, de toute façon, serait contournée. C’est un honneur d’être un élu de la Nation. Cela s’accompagne d’un certain nombre d’obligations comme la retenue ou la tenue vestimentaire. On a, pour les hommes, l’obligation de la veste et de la cravate. Et on a été moins courageux pour les femmes. Voir des femmes en jeans dans l’Hémicycle, ça me chagrine. Si on veut être original, autant l’être par les idées plutôt que par des tweets déplacés ou une tenue vestimentaire inadaptée.

    >> A lire : Christian Jacob déclare la guerre aux jeans à l’Assemblée 

    >> A lire : Quand Twitter fait suspendre une séance à l’Assemblée

    Les live-tweets de députés : est-ce positif ? 

    La réalité, c’est que l’on touche un public qu’on ne toucherait pas autrement. Je ne suis pas un fana, je n’utilise pas Twitter mais j’ai conscience que ça fait partie des choses maintenant et qu’il y a un public, captif, réactif, qu’on ne touche pas ailleurs. Après, chacun exerce son mandat comme il le conçoit.

    Alain Vidalies, ministres des Relations avec le Parlement, a critiqué les sites du type NosDéputés.fr "aux effets dangereux voire pernicieux" qui, selon lui, dégradent le travail parlementaire. Qu’en pensez-vous ?

    Je suis d’accord avec Alain Vidalies là-dessus. Le problème, c’est que c’est très subjectif comme interprétation. Qui est le meilleur député ? Celui qui intervient toutes les cinq minutes ou celui qui intervient sur les 25 articles d’un texte, ou celui qui parle quand il a quelque chose à dire au moment opportun ? 

    Or, ce système de classement n’est pas le bon. Le travail de parlementaire, ça n’est pas ça. C’est plus subtil qu’une série de statistiques qui peut entretenir un antiparlementarisme qui n’est pas bon pour la République. Sachant que notre seul juge, ce sont les électeurs.

    Mais eux argumentent en avançant l’idée qu’ils œuvrent pour la transparence.

    C’est vrai et autre chose peut être imaginé. J’ai toujours été favorable, et je suis minoritaire dans mon groupe là-dessus, à ce que le travail en commission soit ouvert à la presse et ouvert aux lobbys. Mais on a une difficulté technique : les salles ne s’y prêtent pas. Au Parlement européen, les salles sont en forme d’hémicycles, avec des tribunes. Ce qui permet aux lobbyistes de pouvoir écouter. C’est un vrai chantier pour l’Assemblée.

    Je préfère cent fois avoir un lobbyiste qui suit les débats plutôt qu’il cherche à avoir un rendez-vous en "loucedé" avec un député.

Du rab sur le Lab

PlusPlus