Il ne fait pas bon être cumulard socialiste avec Anne Hidalgo candidate à la mairie de Paris. On le sait, la première adjointe de Bertrand Delanoë a réussi à faire se retirer de la course aux municipales dans les arrondissements parisiens deux députés-maires sortants, pourtant bien décidés à garder leur mairie : Pascal Cherki et Daniel Vaillant. Mais comment s'y est-elle pris ? Négociations, travail de conviction … oui, mais pas seulement. Le bras de fer s’est aussi joué sur le plan médiatique.
Dans le cas Cherki comme dans le cas Vaillant, une même méthode : faire annoncer le retrait du maire sortant par voie de presse, avant même que celui-ci ait arrêté officiellement sa décision. Une “guerre des nerfs” selon un proche de Daniel Vaillant, pour les pousser un peu plus vers la sortie. Et donner l’impression que tout est sous contrôle.
Retour sur le retrait de ces deux candidats indésirables.
>> Pascal Cherki
(Maxppp)
Le député-maire du 14e a beaucoup grogné avant d’accepter de laisser sa place. Et a lui-même débuté la bataille médiatique le 16 août dans Libération, faisant comprendre que s’il n’était pas désigné tête de liste dans son arrondissement, la gauche risquait de perdre Paris.
Durant les négociations, Pascal Cherki s’astreint au silence. Le matin du 26 août pourtant, dix jours après sa sortie dans Libé, Le Parisien annonce, sans donner sa source, son retrait :
Pascal Cherki jette l’éponge.
Et explique que l’accord sera officialisé deux jours plus tard, lors d’un déjeuner presse avec Anne Hidalgo. Le député-maire ne dément pas mais s’agace de la fuite :
Il faut toujours se méfier de ceux qui prétendent s'exprimer en votre nom. — Pascal Cherki (@pascalcherki) August 26, 2013
Puis fait les sous-titres auprès du Figaro, accusant la team Hidalgo d’être derrière cette fuite et de parler à sa place :
Tout le monde parle trop en mon nom, particulièrement les proches d'Anne Hidalgo.
Coup de pression ou simple façon de garder la main en devançant l'annonce du maire ? Dans le camp Hidalgo, on parle du cas Cherki comme d’une affaire entendue.
De fait, deux jours plus tard, lors du fameux déjeuner presse, Pascal Cherki se plie docilement aux desiderata de la candidate et assure qu’il “s’est rangé très rapidement à l’idée qu’il fallait une tête de liste femme” à sa place, dans son arrondissement. Au passage, il gagne même le titre de “porte-parole” d’Anne Hidalgo et de “conseiller politique”.
>> Daniel Vaillant
(Maxppp)
Le procédé est encore plus visible pour Daniel Vaillant. Très attaché à son mandat de maire du 18e, l’élu entretient le silence depuis de nombreuses semaines. Son entourage parle pour lui avec un mot d’ordre : il RÉ-FLÉ-CHIT. Dans la balance, son mandat de député que Daniel Vaillant se dit prêt à abandonner si Anne Hidalgo refuse tout cumulard.
Bref, les deux camps discutent, se rencontrent, négocient. Lorsqu’on appelle l’entourage du député-maire, on obtient un simple “work in progress”. Jusqu’à ce matin du 6 septembre, quelques heures avant une réunion du bureau fédéral du PS où l’élu doit s’exprimer. C’est cette fois-ci Lexpress.fr qui dégaine l’annonce - “Daniel Vaillant lâche son fauteuil de maire du 18e” - toujours sans donner l’origine de la source.
Excédée, la team Vaillant dément à tour de bras, notamment sur Le Lab, et se plaint de la méthode du camp adverse :
L’entourage d’Anne Hidalgo veut passer au forceps. Ils font de la méthode Coué en annonçant un retrait qui n’a pas encore eu lieu. Une manière de le faire se réaliser.
De fait, là encore, et malgré son démenti, les annonces du député-maire le soir-même donnent raisons aux informations du matin. Daniel Vaillant décide de se retirer sous conditions, non sans regretter le manque de “considération” dont il a fait l’objet.
Et Anne Hidalgo dans tout ça ? Dans ce jeu de pressions par médias interposés, la candidate veut donner l’image de celle qui ne se mouille pas. Et répète à l’envi :
Je veux faire coïncider l’intérêt individuel et l’intérêt collectif, sans brutalité et dans le collectif. C’est ça ma méthode.
>> A lire également sur Le Lab :
Daniel Vaillant et Pascal Cherki ne sont pas les seuls à avoir fait face au refus d'Anne Hidalgo de les voir candidater. Le bien moins connu Bernard Rullier, conseiller parlementaire de François Hollande, a dû mettre fin à ses velléités dans le 5e arrondissement, non sans avoir entrainé au passage une (très) courte rébellion des militants de sa section. Sa candidature n'a cependant jamais été vraiment prise en considération par Anne Hidalgo. C'est une autre histoire à lire ici.