Quand les députés socialistes s’attaquent au Sénat, "le triangle des Bermudes"

Publié à 16h50, le 17 décembre 2013 , Modifié à 11h20, le 18 décembre 2013

Quand les députés socialistes s’attaquent au Sénat, "le triangle des Bermudes"
Montage via Maxppp.

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CLASH – Et une nouvelle fois, le Sénat s’est fait remarquer en rejetant la réforme des retraites. Mais peu importe pour le gouvernement, la réforme passera car c’est l’Assemblée nationale, où le PS détient la majorité absolue, qui a le dernier mot. Et ce même si, entre octobre 2012 et septembre 2013 "moins de 20% des textes ont été adoptés par le dernier mot", comme l’écrit Le Monde et aime à le rappeler Alain Vidalies, le ministre des Relations avec le Parlement.

Mais ce rejet n’est pas une première. Depuis l’arrivée au pouvoir d’une majorité écolo-socialiste, le Sénat a régulièrement mis des bâtons dans les roues législatives du gouvernement. Sans conséquence. 

>> La situation

Car si la majorité gouvernementale est fiable et stable à l’Assemblée, elle est toute relative au Palais du Luxembourg où les sénateurs Front de gauche, radicaux ou écolos font parfois cause commune avec la droite pour faire tomber ou détricoter les textes du gouvernement.

"C’est un peu le chaos dans cette maison", expliquait dès novembre 2012 l’ancien président UMP de la chambre, Gérard Larcher, quelques mois après une alternance pourtant historique au Palais du Luxembourg. Pour preuve, un front commun composé des sénateurs communistes et UMP a fait échouer le gouvernement sur l’énergie. Et les exemples ne manquent pas (ici ou ). La majorité de gauche au Sénat, présidée depuis 2011 par le socialiste Jean-Pierre Bel, étant toute relative.

>> Les critiques des députés socialistes

Alors, face à cet obstacle sénatorial, ministres comme députés font désormais fi de la chambre haute. Et s’y attaquent frontalement. Invité de la presse parlementaire, à l’Assemblée, Bruno Le Roux a certes évolué, il ne veut plus supprimer le Sénat, mais explique que ces péripéties entre les deux chambres n’ont "aucune incidence". Il y trouve même du positif pour la majorité. Et les députés.

Cela permet parfois aux textes de revenir plus vite à l’Assemblée.

"C’est un problème pour le Sénat, pas pour l’Assemblée", ajoutait le président du groupe PS au Palais Bourbon réaffirmant la prédominance de son assemblée :

Pour les députés, le Sénat compte pour le Sénat. C’est ici que se font les dernières lectures et les décisions pour les textes.

Président socialiste de l’influente commission des lois, Jean-Jacques Urvoas est quant à lui beaucoup plus acerbe. Au Monde, il "résume ce que beaucoup de députés pensent de leurs collègues sénateurs" :

Le Sénat, c’est le triangle des Bermudes.

"C’est un trou noir. On sait ce qui y part, on ne sait jamais ce qui va en revenir", renchérit le porte-parole du groupe PS, Thierry Mandon. 

>> La réponse des sénateurs

Inévitablement, les sénateurs ne pouvaient pas rester sans réaction face à ces attaques répétées de la part de leurs collègues députés. "Le Sénat est un empêcheur de tourner en rond", rétorque ainsi, au Monde, le président de la haute assemblée, Jean-Pierre Bel tandis que pour l’homologue de Jean-Jacques Urvoas au Sénat, Jean-Pierre Sueur, les sénateurs font "de la politique au sens noble du terme".

Jamais avare de bons mots, le patron des sénateurs écologistes mène la contre-attaque dans les colonnes du quotidien du soir, s’en prenant lui à l’Assemblée nationale. "Elle n'est pas représentative et donne un pouvoir surpuissant au gouvernement", fustige ainsi Jean-Vincent Placé avant d’ajouter, sévère avec l’uniformité des députés PS :

C'est elle qui est vraiment inutile : les députés de la majorité ne sont là que pour lever le bras !

>> La position officielle du gouvernement

Lors des questions au gouvernement au Sénat, le sénateur centriste Jacques Mézard a interpellé le gouvernement, et Jean-Marc Ayrault, sur la position de l’executif face au sénat. Ainsi a-t-il demandé :

Quelles sont les intentions du Gouvernement sur le projet de Haut Conseil des territoires et, plus généralement, sur l’avenir du Sénat de la République ?

C’est Alain Vidalies, le ministre des relations avec le Parlement qui lui a répondu, livrant la position officielle du gouvernement face à la chambre haute et rappelant que le gouvernement a saisi en premier le Sénat sur la loi de programmation militaire, "une marque de confiance" :

Le Gouvernement entend réaffirmer son attachement au bicamérisme, qui est indispensable à la qualité de la loi et à l’effectivité du contrôle de l’action de l’exécutif. (…)

Tout cela montre que, contrairement à ce qu’allèguent certains commentateurs, et en dépit de circonstances politiques faisant que, parfois, aucune majorité ne peut se dégager, le Sénat est présent et apporte sa pierre à l’œuvre législative.

>> Quelques précédents

Les saillies entre les deux assemblées ou entre l’exécutif et le Sénat ne sont pas nouvelles. Et les débats concernant l’utilité du Sénat sont également récurrents. Comme quand Lionel Jospin, premier ministre, qualifiait le Palais du Luxembourg "d’anomalie".

En septembre, Bruno Le Roux regrettait "que l’Assemblée soit un peu seule sur les textes qui font progresser la démocratie", affirmant que le Sénat n’allait, quelquefois, "pas dans le sens du progrès".

Quant à Jean-Marc Ayrault, également en septembre 2013, il rappelait aux sénateurs, à propos du non-cumul des mandats, qu’ils n’avaient pas le dernier mot. "Vous ne rendez pas service au Sénat parce que ce texte sera adopté in fine", lâchait alors le Premier ministre aux sénateurs. 

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