"D'évidence, on voit que la sortie du gouvernement [...] est complètement incompréhensible en réalité." Le constat est signé Jean-Vincent Placé. S'il n'est pas neuf chez le patron des sénateurs écologistes, il n'a jamais été exprimé avec autant de clarté.
Le sénateur de l'Essonne plaide ouvertement pour un retour des Verts au gouvernement. Invité de l'émission Direct Politique mardi 3 février, il indique même son souhait de voir cette réunification, encouragée par François Hollande, advenir non pas seulement avant 2017, mais dès 2015. "Ce qui compte dans ce temps du quinquennat, c'est d'essayer d'être utile pour l'écologie et le pays", avance le patron des sénateurs écolos. Et d'assurer que la majorité de l'appareil militant d'EELV est sur la même ligne :
La très très grande majorité - on a fait trois sondages - 80, 90% des sympathisants pensent qu'on devrait être aux responsabilités de la France pour peser davantage. Donc oui, il faudra trouver l'opportunité, dans l'année, pour trouver autour du président de la République un gouvernement plus compact de la gauche et des écologistes.
Il poursuit, dans ce qui ressemble fort à un casus belli potentiel avec l'aile gauche d'EELV :
Quand je vois la situation du pays, si nous étions capables d'aller au-delà sur les centristes et les démocrates, ce serait important.
C'est là l'expression définitive d'une fracture au sein du parti dirigé par Emmanuelle Cosse, une partie de ses cadres (notamment Cécile Duflot) penchant nettement à gauche de l'échiquier politique et refusant tout rapprochement avec le PS. Certains plaident même pour une "primaire de l'espoir" ouverte aux "socialistes déçus des politiques gouvernementales".
"Irresponsable", rétorque Jean-Vincent Placé, qui développe à nouveau une critique très acide de la ligne "gauchiste" et "immature" d'EELV :
J'ai essayé de lutter depuis bien longtemps contre le désordre écolo, le moins qu'on puisse dire c'est que j'y avais à peu près réussi d'ailleurs. Mais depuis la sortie du gouvernement, tout ce qui faisait le coté immature et parfois même irresponsable des écologistes est revenu. [...] Il y a un retour d'une espèce de gauchisme un peu immature et un peu congénital.
À l'inverse, lui n'a "pas de problème avec la responsabilité". Et "assume" sans détour ses ambitions personnelles, se considérant "capable" d'exercer de hautes fonctions :
Il y a une posture qui m'interpelle beaucoup : en quoi ce serait noble de ne pas vouloir exercer les responsabilités ? Moi je propose à ceux qui ne veulent pas exercer de responsabilités de ne pas faire de politique.
[...] Si moi je veux des responsabilités, c'est que j'ai la prétention - oui la prétention, mais on n'est pas obligé de voter pour moi - de penser que je peux les exercer. Et j'ai des idées, je considère que je suis capable, je peux négocier des budgets, je peux faire avancer les politiques publiques et je suis très à l'aise. [...] Je suis très à l'aise pour cette question-là.
En somme, Jean-Vincent Placé veut influer de l'intérieur et non se contenter de critiquer de l'extérieur (ce qu'il a pourtant beaucoup fait durant la première partie du quinquennat). Il résume :
Moi je ne suis pas dans le débat décliniste, pessimiste ou même dépressif, de dire 'on ne peut plus rien faire et il faut rester à l'extérieur et regarder avec ses jumelles'. Moi c'est pas du tout mon... Sinon j'aurais fait journaliste, vous voyez (rires).
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