LE GRAND REMPLAGEMENT - Manuel Valls a souvent été qualifié de "Nicolas Sarkozy de gauche". Du temps où il organisait l'ouverture pour son gouvernement, le successeur de Jacques Chirac avait d'ailleurs bien tenté de recruter le député PS de l'Essonne. En vain. Mais la comparaison entre les deux hommes a perduré, notamment en raison de leur préoccupation commune pour les sujets de sécurité, d'identité et d'immigration.
Il faut dire qu'encore aujourd'hui, il leur arrive de partager des points de vue. Prenez le burkini, par exemple. Le Premier ministre ne souhaite pas légiférer pour l'interdire, au contraire de l'ancien chef de l'État qui est même prêt à "changer la Constitution" pour ce faire. Mais il maintient que ce "débat de fond" n'est "pas épuisé" par les décisions d'annulation des arrêtés pris par certains maires pour le bannir de leurs plages. Surtout, il partage l'argument massue du désormais ex-patron de LR pour dénoncer ce vêtement.
Selon Le Canard Enchaîné mercredi 31 août, le chef du gouvernement a ainsi expliqué "devant ses proches" que si l'on ne fait rien contre le burkini, alors toutes les "fille[s] d'origine maghrébine" de France seront bientôt contraintes de le porter. Voici son raisonnement :
"Dans deux ans, il n'y aura plus une fille d'origine maghrébine qui pourra se baigner en maillot de bain. Car, derrière tout ça, il y a une police des moeurs qui est en train de se mettre en place.
"
Et maintenant, voilà ce qu'avait expliqué Nicolas Sarkozy sur le plateau du 20h de TF1, le 24 août :
"Je pense qu’à l’université, si nous laissons des jeunes filles voilées dans dix ans, celles de confession musulmane qui ne veulent pas porter le voile seront obligées de porter le voile. Si nous laissons le burkini se généraliser, les jeunes filles qui veulent se mettre en bikini ou en maillot de bain - elles ont le droit - seront, par la pression de leur communauté, obligées de prendre une tenue vestimentaire qui ne correspond en rien non seulement au mode de vie français, mais à un principe essentiel chez nous : l’égalité stricte de la femme et de l’homme.
"
Notez tout de même deux différences dans ces deux argumentations :
- Manuel Valls parle des "fille[s] d'origine maghrébine", quand Nicolas Sarkozy évoque les "jeunes filles [...] de confession musulmane". Le premier annonce donc une sorte de "grand remplacement des plages" fondé sur l'origine ethnique, quand le second met plutôt en avant l'appartenance religieuse.
- Manuel Valls pense que sa prédiction se réalisera dans "deux ans", quand Nicolas Sarkozy donne "dix ans" au pays pour voir advenir la sienne. Le discours du premier est donc cinq fois plus alarmiste que celui du second.
Mais sur les moyens d'empêcher tout cela, les deux hommes divergent. Nicolas Sarkozy veut donc une loi, et tant pis si le Conseil d'État comme le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme ont expliqué que les arrêtés anti-burkini ont "clairement et illégalement violé les libertés fondamentales". Manuel Valls, lui, n'a pas pris une telle position. devant ses proches et toujours selon Le Canard Enchaîné, il a ajouté que légiférer serait "juridiquement et pratiquement impossible". Soit l'avis que partage, cette fois, le ministre de l'Intérieur (et des cultes) Bernard Cazeneuve.
Mais tout cela n'empêche pas le Premier ministre de qualifier de "menace considérable" les propositions du candidat à la primaire de la droite, y voyant un "programme commun entre la droite dure et l'extrême droite".
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