Inédit : l'interview anti-sarkozyste de Christian Estrosi

Publié à 16h39, le 15 décembre 2015 , Modifié à 16h50, le 15 décembre 2015

Inédit : l'interview anti-sarkozyste de Christian Estrosi
© AFP

BREAKING NEWS - Figurez-vous que Christian Estrosi a "changé". Un changement de type radical. Deux jours après son élection à la présidence du conseil régional de Paca face à Marion Maréchal-Le Pen, le député-maire de Nice donne une interview à Paris Match, mardi 15 décembre. Et sans broncher, celui qui a longtemps fait campagne sur des thèmes ultra-droitisants comme la "cinquièmme colonne islamiste", lâche cette punchline :

 

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Plus on va à droite, plus on fait monter le FN.

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Soit un demi-tour total sur sa stratégie précédente, dont il s'était déjà quelque peu éloigné à l'approche des régionales afin de s'assurer du soutien de la gauche pour le second tour.

Christian Estrosi est donc un homme nouveau. Et cela se traduit aussi par un autre discours plus que surprenant chez lui : une critique en règle de Nicolas Sarkozy, dont il est l'un des plus fidèles lieutenants. Dans cet entretien à Paris Match, "le résistant" qu'il est s'inscrit donc en faux contre à peu près tout ce qui caractérise actuellement le président de LR.

Avec quatre principaux types d'attaques :

  • 1 - Sarkozy fait le jeu du FN

C'est l'idée-force de cette interview de Christian Estrosi : stop à la droitisation. Il le dit en visant très clairement Nicolas Sarkozy, alors qu'on lui demande simplement s'il a "parlé" à ce dernier depuis dimanche soir :

 

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Nicolas Sarkozy est un ami, je le respecte. Mais contrairement à lui, je ne pense pas que nous, élus Républicains, devions tenir un discours toujours plus à droite. Plus on va à droite, plus on fait monter le FN. Plutôt que chasser sur le terrain du Front national, je préfère chasser le Front national du terrain.

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En creux, il accuse donc l'ancien chef de l'État de "faire monter le FN". TOUT. VA. BIEN.

  • 2 - Sarkozy ou l'erreur du "ni-ni"

La stratégie du "ni retrait ni fusion" pour le second tour des régionales, actée par le bureau politique de LR à la quasi-unanimité (moins NKM et Raffarin) sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, n'échappe pas à l'inventaire de Christian Estrosi. Il faut dire que s'il a été élu le 13 décembre, c'est en partie grâce au front républicain mis en place par le PS. Alors il flingue (poliment, certes) :

 

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Je n’ai pas adopté, comme le voulait Nicolas Sarkozy, la ligne du 'ni-ni'. Je fais une différence entre le Parti socialiste et le Front national, qui est un mouvement sectaire et nauséabond.

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Entre les deux tours, l'ancien chef de l'État avait pour sa part expliqué en meeting que voter FN ou voter PS, "c'est la même chose"...

Plus loin, Christian "Minet" Estrosi reprend même les mots de Nathalie Kosciusko-Morizet pour fustiger ce choix stratégique :

 

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Si les électeurs avaient adopté la ligne du ni-ni, Xavier Bertrand et moi-même n’aurions pas été élus. Il y aurait aujourd’hui une Le Pen élue dans le Nord et une Le Pen élue dans le Sud. Cela aurait été la débâcle !

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Désormais ex-numéro 2 du parti, NKM appréciera certainement. Nicolas Sarkozy, beaucoup moins.

  • 3 - Sarkozy divise le parti

Première phrase du sosie officieux de Sylvester Stallone dans cet entretien :

 

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Tout a été inhabituel depuis deux mois : la crise économique, les attentats, la colère de nos électeurs, les scores très élevés du FN, le retrait de plusieurs candidats socialistes et, chez nous, la guerre des chefs qui a entraîné une extrême confusion chez nos électeurs...

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Cette "guerre des chefs" entre candidats déclarés ou non à la primaire de 2016, il y revient plusieurs fois. Il dit notamment :

 

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Je déplore l’état de dispersion et de querelles dans lequel se trouve mon parti. Nous n’avons pas su, collectivement, donner une bonne image. C’est une des raisons pour lesquelles je n’ai pas souhaité me rendre, lundi, au bureau politique ni, mardi, à la réunion de groupe à l’Assemblée nationale. Je ne veux pas participer à un débat à chaud, rentrer dans le jeu des petites phrases.

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Tout cela concerne donc divers ténors de la droite (Sarkozy, Juppé, Fillon, Le Maire, etc). Mais Christian Estrosi rend le chef en partie responsable de ces divisions. Interrogé sur l'éviction de NKM de la direction de LR, il regrette en effet que Nicolas Sarkozy ait choisi cette option au lieu de développer "un message d'unité" à travers "des mots qui apaisent" :

 

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J’attendais de Nicolas Sarkozy un message d’unité et de rassemblement et des mots qui apaisent. Ces décisions sur l’organisation interne du parti sont prématurées. Ne pouvions-nous attendre le conseil national de février ?

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En clair : le parti est fracturé et son chef ne fait pas grand chose pour arranger ça. Rappel : il y a quelques mois, Nicolas Sarkozy était présenté par tout le monde à l'UMP comme le "rassembleur".

  • 4 - Et Bayrou ?

"La droite modérée et le centre doivent se rassembler. Les Français attendent de nous autre chose que des divisions", explique donc Estrosi. Comme Nicolas Sarkozy. Vraiment ? Eh non.

Car lorsqu'il entre dans les détails de cette alliance avec le centre visant à contrer l'extrême droite, il y inclut *quelqu'un* que l'ancien président prend soin de descendre en flammes dès qu'il le peut. Saurez-vous trouver l'intrus (indice : cette personne est maire de Pau) ?

 

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Nous devons choisir contre qui nous voulons combattre et nous y tenir. Il faut organiser une cohésion solide avec le centre : François Bayrou, Jean-Christophe Lagarde, Hervé Morin...

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S'allier avec François Bayrou, voilà une idée qui devrait rendre Nicolas Sarkozy fou de joie.

Enfin bref : Christian Estrosi a "changé", on vous dit.

Du rab sur le Lab

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